Avec les premières pluies bienfaitrices de l’automne, c’est tout le monde agricole — et au-delà, l’ensemble du rural— qui retrouve un souffle moral pour aborder une nouvelle campagne.
Ce regain d’optimisme tient presque autant au psychologique qu’au réel effet de l’eau sur les sols. Car depuis plusieurs années, grâce au Plan Maroc Vert puis à Génération Green, une large partie de l’agriculture marocaine s’est affranchie de la dépendance excessive à la pluviométrie. Là où l’aridité dictait autrefois la productivité, des filières entières fonctionnent désormais selon des logiques plus modernes, plus autonomisées et mieux outillées.
Il persiste naturellement des zones où l’activité reste familiale ou vivrière, encore sensible à la clémence du ciel. Mais même sur ces parcelles fragiles, les programmes publics ont permis de transformer les pratiques : modernisation des process, équipements de base, petites infrastructures d’irrigation, accompagnement technique… Une mutation silencieuse mais réelle, qui a renforcé la résilience de milliers de micro-exploitations face aux aléas climatiques.
Pourtant, la question de l’eau demeure plus que jamais le cœur battant du secteur. Malgré les progrès spectaculaires en matière d’irrigation économe, malgré la généralisation du goutte-à-goutte et l’adoption de techniques rationnelles, le stress hydrique est devenu une donnée structurelle. Les agriculteurs marocains sont, de fait, placés en première ligne de la bataille nationale pour l’eau : leur comportement, leurs arbitrages et leurs choix techniques conditionnent directement la réussite de l’effort collectif.
Car il ne s’agit plus seulement d’investir dans des équipements ou de changer de matériel. Le véritable défi est ailleurs : c’est celui d’une révolution culturelle. Celle qui fait de l’eau non plus une ressource naturelle «disponible», mais un bien rare à gérer comme un capital stratégique. Celle qui transforme l’économie de l’eau en discipline quotidienne, en réflexe professionnel. Celle qui engage chaque agriculteur, petit ou grand, à devenir gestionnaire responsable d’un patrimoine hydrique commun.
La pluie, cette année, redonne espoir. Mais la victoire durable ne viendra pas du ciel : elle viendra de notre capacité à changer en profondeur notre rapport à l’eau.













