Il existe dans nos sociétés une forme de travail aussi essentielle qu’invisible : le travail domestique et les soins apportés à autrui. Selon le HCP, au Maroc, les femmes y consacrent en moyenne cinq heures par jour, contre seulement quarante-trois minutes pour les hommes. Plus de 90% du temps total qui y est dédié repose donc sur elles. Une réalité silencieuse mais lourde de conséquences : elle limite l’accès des femmes à l’éducation, à l’emploi, au revenu et à la participation à la vie économique et publique. L’inégalité commence souvent dans la sphère privée, bien avant de se voir dans l’espace public.
Reconnaître la valeur économique de ce travail n’est pas une idée marginale ni farfelue. C’est une réalité documentée : si l’on intégrait la valeur créée par les femmes au foyer dans les comptes nationaux, l’apport potentiel au PIB serait colossal. Mais au-delà des chiffres, il s’agit surtout de reconnaître une utilité sociale immense, souvent assumée en silence, comme si la famille et la cohésion sociale pouvaient se maintenir sans ces travailleuses invisibles (lire l’article en pages 4 à 6).
Certains pays ont déjà franchi ce pas en accordant une rémunération et/ou un statut aux femmes au foyer. Pourquoi pas le Maroc ? Cette révolution culturelle et législative pourrait être le fruit d’une convergence entre pouvoirs publics, parlementaires, société civile, chercheurs et juristes. Une alliance intelligente pour enfin sortir d’un modèle où l’on exige beaucoup des femmes mais où l’on reconnaît si peu ce qu’elles construisent au quotidien.
Rendre visible ce qui a longtemps été dissimulé, c’est réhabiliter une part de justice. Et c’est aussi rappeler que le développement n’est jamais neutre : il a un coût humain, familial et social que les femmes ont trop longtemps assumé seules. Le Maroc émergent ne pourra ignorer cette évidence : l’égalité commence à la maison. Et elle commence par reconnaître la valeur de celles qui la portent, chaque jour, avant même que le pays ne commence à travailler.










