Editorial

Vision normative et petites mafias

© D.R

À la lecture de l’excellent entretien réalisé par notre consoeur Narjis Rerhaye avec Driss Benzekri, secrétaire général du CDDH, publié hier dans Le Matin du Sahara, nous sommes rassurés. Pas tellement sur le choix résolu fait par notre pays en matière des droits de l’Homme, mais sur la qualité intellectuelle de la réflexion en cours au CCDH. Les propos de Driss Benzekri sont sérieux, graves et crédibles. L’homme, qui sait de quoi il parle, ne se complaît dans aucune facilité d’analyse ni aucune légèreté d’appréciation. Il se félicite de ce qui a été fait dans le domaine des droits de l’Homme, mais il ne minimise pas non plus la longueur et la rudesse du chemin qui reste à parcourir. Ces droits fondamentaux ne sont pour lui, ni un gadget ni un alibi. Leur consolidation relève d’une pédagogie, juridique et institutionnelle, de longue haleine. Naturellement, il rejette les raccourcis. Les idées reçues. Et les manipulations de l’opinion publique nationale et internationale sur ce sujet. L’image de notre bilan est forcément réductrice vue sous l’angle « des petites mafias qui se présentent comme des ONG de militants des droits de l’Homme. » Mais vue sous un angle plus sérieux, « l’évolution des droits de l’Homme est plus importante. » Même s’il constate qu’il est injuste de se limiter à la « version libérale et normative des droits de l’Homme» pour «grossir quelques dépassements.» Driss Benzekri propose également une véritable approche construite de ce que peut être l’équité et la justice dans la lecture et la détermination des responsabilités dans les dépassements du passé. La page des années de plomb sera lue. Avec soin et scrupule, mais en mobilisant des concepts qui tirent véritablement les leçons du passé pour mieux protéger l’avenir. Dans ce sens, le Maroc doit trouver sa propre voie et sa propre méthodologie. Il ne s’agit d’épargner ni les hommes ni les institutions, ni d’occulter les responsabilités, mais de mettre sur pied les outils d’une re-lecture du passé avec le souci de définir, de reconnaître, de réparer les torts, d’indemniser ou de réhabiliter les personnes. Plus la démarche est juste et équitable, plus elle est opposable à l’État d’une manière impérieuse. Parce qu’au final, c’est l’État qui est le destinataire de cette réflexion et c’est lui qui doit prendre acte de l’évolution de la société sur ce sujet crucial. Et non l’inverse. On retiendra, finalement, que Driss Benzekri s’approprie aussi sa propre histoire en assumant ses responsabilités dans un cadre institutionnel et que, désormais, il refuse, avec légitimité, que d’aucuns fassent commerce avec ce qu’il a pu vivre, lui et les siens, comme épreuves douloureuses pour la défense de cette cause.

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