Les Marocains votent ce vendredi pour la troisième fois sous le règne de SM le Roi Mohammed VI. Un règne qui a consacré l’une des règles fondamentales de la pratique démocratique, à savoir la régularité des échéances électorales. Aussi, depuis 1999, les partis politiques savent pertinemment que rien ne saurait ajourner la date d’un scrutin même des événements aussi dramatiques que les attentats terroristes du 16 mai 2003. Ces attentats avaient eu lieu, rappelons-le, trois mois avant les élections communales. Et malgré le choc provoqué par ces actes terroristes, non seulement les élections n’ont pas été reportées, mais, l’Etat a su garder sa sérénité en ce qui concerne le traitement de la question de la participation des islamistes à la vie politique dans le respect total des règles de la démocratie et du pluralisme. Le Parti de la justice et du développement (PJD,) que certains médias, notamment de la presse étrangère, considèrent -à tort, d’ailleurs- comme une sorte d’«adversaire du pouvoir», a pu participer aux élections de septembre 2003 en toute normalité. La colère populaire contre les courants islamistes, suscitée par les attentats, n’ayant guère été exploitée contre le parti islamiste. Tant que le PJD respecte les règles du jeu démocratique, il sera traité dans le respect de ces mêmes règles. «Il n’y a pas de démocratie pour les non-démocrates», avait dit le Souverain dans un discours à la nation le 20 août 2002. Un message on ne peut plus clair.
Aujourd’hui, les islamistes du PJD participent massivement aux élections législatives. Le fameux concept de l’autolimitation des candidatures que les leaders de cette formation ont développé à l’occasion des élections précédentes a été abandonné. Ils se présentent dans la quasi-totalité des 95 circonscriptions. Aussi, partant d’une simulation basée sur les résultats des législatives de 2002, le PJD indique qu’il aura entre 60 et 70 députés. Sur 325 sièges, ce score confère, dans un champ politique aussi balkanisé que celui du Maroc, le statut d’un parti qui aspire à gouverner. Mais, dans le cadre d’une coalition, évidemment. Une coalition qui devrait respecter un minimum d’harmonie entre les projets de société associés. Et si l’Istiqlal, qui aspire aussi à décrocher le même nombre de sièges, ne voit aucun inconvénient à s’allier au PJD vu les affinités idéologiques entre les deux formations, ce n’est pas le cas de l’USFP. Ce parti a axé sa campagne électorale sur l’anti-islamisme. «Choisissez votre Maroc !», dit le slogan électoral de la formation socialiste. En fait, il s’agit de choisir entre un «Maroc islamiste» et un «Maroc moderniste». Cela dit, comment serait-il possible, après les élections, qu’il y ait une coalition gouvernementale regroupant les deux partis. Les électeurs ayant voté pour l’une ou l’autre formation, comment se sentiraient-ils en constatant que le Maroc qu’ils ont choisi s’est allié à l’autre Maroc qu’ils ont rejeté ? Certains analystes estiment pourtant que tout est possible puisque le Maroc, disent-ils, a toujours été une fusion entre traditionalisme et modernisme, entre conservatisme et ouverture. Pour eux, que les deux formations soient dans le même gouvernement serait plus représentatif de la diversité de la société marocaine. Que faire alors du bipolarisme, qui est une sorte d’idéal démocratique ? Pour certains observateurs, le Maroc se trouve actuellement à un moment important de son décollage économique et social qui nécessite la fusion de toutes les énergies. La stabilité politique garantie, le Maroc peut se permettre de poursuivre sa marche vers le développement économique et le bien-être social. Les cinq prochaines années sont décisives car il s’agit d’une période où tout ce qui a été bâti, ces huit dernières années, commencera à donner ses fruits. Or, il s’agit de l’effort de tous. En faire profiter une tendance politique au détriment d’autres ayant participé, dans le cadre d’un travail d’équipe, à sa concrétisation, serait injuste. Associer tous les efforts en cette période paraît plus logique aux yeux de plusieurs analystes.
Un gouvernement de coalition nationale serait-il alors la solution? C’est encore prématuré d’en parler, estiment-ils. Mais, cela n’empêche que quatre ou cinq forces politiques principales devraient être associées au prochain gouvernement, estiment certains observateurs. Un avis qui n’est pas partagé par d’autres analystes. Ils estiment qu’il est temps de provoquer le bipolarisme en faisant bien la différence entre conservateurs et modernistes. Pour eux, les islamistes doivent encore continuer dans l’opposition. L’aboutissement de certains projets initiés par le gouvernement sortant et son prédécesseur vont bénéficier au PJD s’il gouverne dans le cadre d’une coalition réduite, alertent-ils. Les élections de 2012 pourraient alors les voir obtenir la majorité absolue.
En tout cas, rien n’est encore joué. Tout dépend des résultats qui sortiront des urnes. La carte post-électorale n’étant plus connue d’avance comme par le passé, il faut attendre le dimanche 9 septembre à 20 heures pour avoir plus de visibilité sur le Maroc que les Marocains auront choisi ce vendredi.