Les Européens ne savent décidément pas ce qu’ils veulent. Ils adhèrent de plus en plus à des politiques restrictives qui les calfeutrent derrière des miradors, de peur de l’immigration. Et vas-y que je t’inflige des tests ADN, des certificats d’hébergement, des cautions, des visas et surtout un puzzle administratif démoniaque. Et dans le même temps, on trouve, dans cette même Europe, toute une série de zozos qui n’hésiteraient pas à jouer les baroudeurs de la compassion et les guérilleros de l’humanitaire. L’affaire de l’Arche de Zoé illustre parfaitement cette ambivalence.
Voilà une association, née au lendemain du Tsunami de 2004, et qui s’est positionnée sur le créneau de l’adoption des enfants des zones malheureuses de la planète. Ses responsables, un peu allumés, se sont branchés sur le Darfour. Ils rêvaient d’y mener une action à l’image de l’opération Falashas, ces 15000 Juifs éthiopiens clandestinement rapatriés par Israël. Ils aspiraient extraire 10000 enfants de la fournaise tchadienne pour les faire adopter en Europe et aux Etats-Unis.
Comment passerait inaperçue une opération qui nécessite un avion cargo avec son pilote belge, sept Espagnols, neuf Français dont trois journalistes? Comment une association qui ne cachait pas ses desseins peut prétendre mener une opération clandestine. Cette action était non seulement projetée mais annoncée publiquement. D’où viennent les moyens pour payer un cargo? Certainement pas des cotisations des membres. Il y a du louche là-dedans. Cette affaire sent une forte odeur de cynisme. On a laissé faire ou alors il y a lieu de s’inquiéter pour la France et ses services. Il y a un potentiel bénéfice caché. Dans une société agitée par le débat sur l’immigration et l’ADN, une opération menée par la société civile pour rapatrier des enfants aurait été, en cas de succès, pleine de valeur ajoutée compassionnelle et donc politique. Comme c’est un échec, elle devient une affaire de responsabilité individuelle.
Aujourd’hui, dix-neuf personnes sont arrêtées et inculpées pour enlèvement d’enfants ou de complicité par la justice tchadienne. On parle même de trafic d’organes et de pédophilie, ce qui est autrement plus grave. Ce qui ne devait être qu’une une affaire pavée de bonnes intentions s’est transformée en imbroglio diplomatique et peut-être en enfer carcéral pour ses auteurs.
Rama Yade, le petit top model ministériel et Bernard Kouchner auront fort à faire pour démêler les incidences diplomatiques de cette excursion humanitaire. Ce sera d’autant plus difficile qu’il leur manquera le coup de main gracieux de Cécilia, intime de la Libye dont l’ombre plane sur cette zone tchado-soudanaise. La France, à commencer par Sarkozy, a beau dénoncer l’action de l’association, le président Idriss Déby a vite compris tout l’avantage à tirer de l’instrumentalisation de l’affaire à la veille du déploiement de la Force européenne de la paix dans l’Est du Tchad. La France, qui dispose déjà de soldats stationnés dans ce pays, est censée fournir 500 hommes des 3.000 de ce contingent de l’Union européenne.