Chroniques

Un vendredi par moi

Prix record du baril, cours du dollar qui n’arrange rien, pluie qui se fait prier, blé qui n’a jamais autant mérité son sens familier de thune, il n’y a pas à dire, les Marocains auront à se serrer les coudes autant que la ceinture. La solidarité, cette année, sa dixième, plus que jamais donc. Lorsqu’elle fut initiée en 1998 par le Souverain, alors Prince héritier, la campagne de solidarité qui allait être plus tard prise en charge par la Fondation MohammedV, était une manière de regarder la pauvreté dans les yeux et de mettre en branle un processus revalorisant les idéaux de l’entraide. Ce fut un moment propice pour donner naissance à un mouvement de société à même d’apporter les corrections nécessaires à notre vécu et à nos comportements à l’égard de la pauvreté «à la lumière, disait SM le Roi, de ce que nous imposent notre culture religieuse, notre sentiment national et notre sensibilité humaine.»

Les objectifs étaient multiples et s’inscrivaient dans ce que trois ou quatre ans plus tard allait apparaître comme un projet de société qui avait très bien compris les choses. Il n’y avait pas de redistribution de bien-être possible sans création de richesses et pas de véritable création de richesse tant qu’on ne faisait rien pour réduire à son minimum le risque social. Pourront toujours se gausser d’un bol de harira ceux qui en ont à profusion ou trouver dérisoire un cartable et des cahiers ceux qui n’ont aucun problème de scolarité pour leurs enfants. Mais la campagne de solidarité telle qu’elle a été mise en place par Sa Majesté Mohammed VI avait un objectif quantitatif : apporter en forme de contributions un bol d’air au plus grand nombre de démunis possible. Le bilan est là. Des centres sociaux au profit des enfants à la réinsertion des handicapés, de la formation et insertion des femmes aux foyers pour jeunes filles, des maisons d’étudiants aux projets générateurs de revenus… ce sont des centaines d’actions ciblées et soigneusement sélectionnées pour donner à l’initiative un sens. Mais dans l’esprit royal, la concentration sur la solidarité était, en quelque sorte une «réinitialisation» d’une société qui a tendance à perdre sa générosité et ses réflexes d’entraide sous les coups de l’urbanisation ou, dit autrement, de la ruralisation de l’urbain et du développement de la famille nucléaire. Après dix ans d’action, il ne serait pas inintéressant pour la fondation de dédier une étude à l’estimation de l’impact, plus difficilement quantifiable, des campagnes de solidarité sur les mentalités.

L’affaire, connue sous le nom de «L’Arche de Zoé», éclata au grand jour lorsque les autorités tchadiennes mirent la mains sur une tentative d’évacuation de quatre-vingt treize enfants qui viendraient du Darfour pour les faire adopter en France. Toute l’opération ne serait en fait qu’une vaste escroquerie et une abominable traite des enfants. Condamnable, elle fut condamnée du sommet de la hiérarchie tchadienne et française. Mais Paris aimerait les voir juger en France. Il y a sans doute une convention judiciaire entre les deux pays. Mais cette insistance française à vouloir soustraire à la justice tchadienne les présumés coupables dans l’affaire «L’Arche de Zoé», a comme une odeur et des relents. Mais voyons les choses autrement. D’un point de vue entièrement cynique, combien de pateras et harraga sub et sur sahariens souhaiteraient tomber sur une filière similaire qui leur éviterait la noyade en Méditerranée avec en prime une famille d’accueil à l’arrivée ? Et parmi ces enfants, combien, dans dix ans, en voudrant aux circonstances qui leur ont fait manquer pareille occasion ?

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