Il n’y a aucun doute à avoir. Le discours que le président français s’apprête à déclamer devant la conférence internationale des donateurs sur la Palestine aujourd’hui lundi à Paris fait incontestablement partie de ce qu’il est convenu d’appeler « le moment palestinien » de Nicolas Sarkozy. Traînant une réputation, souvent justifiée et argumentée par l’intéressé, d’indéfectible ami d’Israël, en rupture avec son prédécesseur, Jacques Chirac, le supposé pro-arabe, Nicolas Sarkozy avait beau clamé, lors de ses voyages à l’étranger, son attachement à une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens basée sur la création d’un Etat palestinien, il restait en manque d’une vraie occasion de clarification.
Paris, en abritant «une conférence des donateurs pour l’Etat palestinien» dans le sillage d’Annapolis, vient de lui offrir l’occasion de décliner sa vision de la paix au Proche-Orient. Elle n’apparaît pas comme fondamentalement différente de celle prônée actuellement par la diplomatie américaine. Nicolas Sarkozy pourra toujours arguer que c’est l’administration Bush qui, sous la contrainte d’une situation régionale explosive, avait rejoint les Européens dans leurs exigences d’une entente politique entre Palestiniens et Israéliens au prix d’une concession territoriale.
Le porte-parole de l’Elysée David Martinon expliquait la veille que le but de cette rencontre est «de mobiliser les donateurs dans la continuité de la conférence d’Annapolis, et de fournir un soutien financier et politique à l’Autorité palestinienne (qui) doit lui permettre de se doter des capacités de construire un Etat viable». Avec une urgence absolue, celle «de stabiliser l’économie palestinienne et de mettre en oeuvre sur le terrain des mesures rapides et efficaces qui amélioreront la vie quotidienne des Palestiniens».
Cette vision française n’est pas loin de l’actuelle approche américaine résumée par le porte-parole du département d’Etat, Sean Mc Cormack : «Ce que tout le monde attend de cette conférence, c’est un soutien tangible aux efforts de restructuration institutionnelle des Palestiniens parce que c’est absolument crucial pour les aider à créer un Etat palestinien».
Pour aider à honorer cette promesse, l’administration Bush se dit prête à mettre sur la table «la généreuse contribution de 500 millions de dollars» comme l’a déclaré un responsable américain sous couvert de l’anonymat. L’annonce d’une telle contribution est d’autant plus importante qu’un houleux débat traversait pendant de longs mois les rangs du Congrès sur l’opportunité d’accorder des aides financières aux Palestiniens de crainte de les voir tomber dans les indésirables mains du Hamas.
Autour du président palestinien Mahmoud Abbas, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, son homologue russe Sergueï Lavrov, le représentant du Quartet pour la paix Tony Blair, le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, joueront, sous la houlette de Nicolas Sarkozy, les produits d’appel pour une mobilisation mondiale pour la paix au Proche-Orient. Nicolas Sarkozy, organisateur de ce gigantesque raout, endossera volontiers l’habit de financier de la paix, Paris ayant fait de la récolte financière, pour construire la paix, une spécialité.
Il parait aujourd’hui acquis que les sommes récoltées par la conférence de Paris auront une signification politique majeure.
L’ambition affichée de cette levée de fonds mondiale est d’atteindre les cinq milliards de dollars. Leur volume est censé refléter la détermination de la communauté internationale à accompagner les efforts de paix initiés à Annapolis par Ehud Olmert et Mahmoud Abbas. L’objectif politique immédiat est de donner l’espoir aux Palestiniens de Ramallah et surtout ceux de Gaza contrôlé par le Hamas lequel vient de célébrer, en grande pompe et tout en défi, le vingtième anniversaire de sa création. Il n’en reste pas moins que l’avenir d’Annapolis se joue à Paris avec des acteurs plus déterminés que jamais à faire jouer le carnet de chèques… pour ne pas désespérer Jérusalem.