Entre 2 et 2,5 millions de Marocains vivent en dehors des frontières du Royaume, soit un peu moins de 10% de la population marocaine. Longtemps on a pris des décisions les concernant au premier chef, sans prendre leur avis. Parfois bonnes, parfois moins bonnes, ces décisions ont régi et régissent encore une bonne partie de leurs relations avec leur pays d’origine. Les choses ont évolué de part et d’autre : du côté marocain où aujourd’hui le Souverain a imputé une nouvelle approche de cette communauté et du côté de la population immigrée où les mentalités ont bougé et où la maturité aidant, ces citoyens de l’étranger aspirent à être considérés comme des acteurs à part entière. Des deux côtés de la Méditerranée d’ailleurs. Au moment où des échéances capitales se profilent au Maroc et en France, peu de voix s’élèvent pour réfléchir aux moyens de faire participer cette population concrètement aux différents scrutins. En France, près d’un million de Français d’origine maghrébine sont dans la possibilité de voter –notamment les jeunes – mais bien peu de responsables politiques songent à leur permettre d’être des candidats éligibles. Au Maroc, seul Sa Majesté le Roi s’est exprimé sur son désir de voir la communauté marocaine immigrée accéder aux responsabilités (Discours Royal du 20 août 2000), ailleurs peu de prises de position… Or la question qui se pose est de savoir si oui ou non ces citoyens de l’étranger seront partie prenante d’une façon ou d’une autre des enjeux électoraux. Outre les réelles questions d’organisation, il semble que du côté des états-majors une grande frilosité règne en la matière. Pourtant ces 10% de la population ont le droit (et le devoir) d’exprimer leur point de vue et de participer au choix de ceux qui – dans leur pays d’origine – voteront des lois les concernant eux aussi : les députés, et ceux qui dans les communes régiront la vie quotidienne : les élus communaux. L’expérience passée montre que permettre l’élection de députés issus de la communauté immigrée elle-même n’est peut-être pas la meilleure solution. Cela ne doit cependant pas empêcher les responsables de réfléchir aux moyens permettant à cette catégorie de Marocains d’être citoyens à part entière. La citoyenneté, le civisme, la participation… sont des mots-clés dans une démocratie, impliquer les Marocains de l’étranger, concrètement dans la «vie citoyenne» de leur pays d’origine, ne peut que constituer un élément positif dans ce puzzle. D’aucuns craignent la récupération, d’autres la politisation, d’autres encore la manipulation… bien sûr que l’on ne peut en faire fi, mais le risque n’existe-t-il pas tout autant de voir une communauté indispensable au développement de son pays d’origine, se sentir marginalisée. La formule reste à trouver; pour cela il est nécessaire d’en débattre et au bout du compte, les arguments des uns et des autres ayant été mis sur la place publique, prendre la décision qui permettra à ces 2 millions de Marocains d’être un plus dans la construction démocratique du pays.