Chroniques

Label marocanité : La défaite de l’école

Le cadre familial étant rarement propice à la blague salace et aux rires gras, on parle alors d’autres choses. C’est-à-dire un peu de tout. Beaucoup de rien. L’essentiel, c’est la décence.
Le Marocain aime palabrer. Il a la langue véloce et féroce. Il aime le propos imagé. Cependant et hormis la rigolade, il a une parole singulièrement inscrite dans le registre de la complainte. Il a une jérémiade pour tout: la vie chère, la justice et l’administration corrompues, l’hôpital et sa saleté, l’autobus et son surencombrement, le policier et son abus de pouvoir, les élections et les je-m’en-foutistes de tout acabit, les chômeurs diplômés et leurs sit-in permanents et puis cette école qui fabrique des ignares.
Dans un dîner, un ami, vieux socialiste féru de son parti, argua, pour illustrer, l’un des drames marocains, que la scolarité de ses enfants lui coûte cher même au regard de son confortable salaire d’universitaire. C’est que ces trois enfants sont dans des écoles privées. Je lui rappelle, en le taquinant affablement, qu’il était un des défenseurs résolus du service public, comment a-t-il donc pu opérer un tel virage de 180 degrés ? Sa réponse était tragiquement désarmante : «Je ne peux sacrifier l’avenir de mes enfants pour mes idées», laissa-t-il tomber.
Le Maroc d’aujourd’hui vit grâce aux miraculés de l’école des années 60-70. De quelles compétences bénéficiera-t-il en 2050 ? Voila une question prospective qui fait mal. Nos chômeurs diplômés crient tous les jours, à la face du pays et du Parlement, leurs souffrances et leurs inutilités. Mais ils exigent de grossir les seuls rangs d’un service public qui vient de subir une cure amincissement avec de coûteux DVD. Belle ânerie. Ces diplômés sont le quitus le plus tragique de la défaite de notre école. Et ils font peur à mon ami socialiste qui en plus de payer son impôt, doit s’acquitter d’un impôt additionnel pour assurer une scolarité digne à ses enfants.
L’école est l’incontournable socle de l’avenir. Comment avec une institution qui affiche plus d’un million d’heures d’absentéisme, soit 7000 postes, voulons nous affronter les défis d’un monde qui repose de plus en plus sur la société de la connaissance ? Que fabriquons-nous que l’on peut attribuer fièrement à la connaissance et à la valeur ajoutée d’un secteur budgétivore ? Rien sauf les tagines, recouverts de plomb, qui sont désormais interdits dans des pays comme l’Australie.
Les temps difficiles sont propices aux mensonges. La grève de cette semaine qui a connu une réussite, surtout dans l’enseignement, illustre la double mystification tant elle est un triomphe pour les uns et une défaite pour les autres. C’est la double cécité. Tant que l’école met l’enseignant avant l’enfant au cœur de son projet, elle est vouée à l’écroulement. Pour réformer cela, il faut un homme politique courageux. Et surtout suicidaire parce qu’il ne s’en relèvera pas.

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