Chroniques

Un vendredi par moi

Fait rarissime. Affrontement ? En tout cas polémique entre des autorités religieuses sunnites et chiites. Youssouf El Karadaoui en personne, président de l’Union mondiale des théologiens musulmans, met en garde contre les tentatives de chiisation du monde sunnite. Péril en la demeure donc puisque le prosélytisme de nos frères imamistes (15% de la population musulmane) expose les pays de la majorité sunnite à la discorde. Au point que le prêcheur et député marocain Zemzmi craint que dans les vingt ans à venir le Maroc devienne un nouveau Liban.  Comme il se doit, des figures emblématiques du chiisme, le Libanais Hussein Fadalallah et l’Iranien Ali Taskhri, contre-attaquent. Comme on peut le deviner, leur propos est peu amène. Comme à leur habitude,  Fadlallah peut se targuer d’avoir vaincu l’armée hébreue – ce qui est loin d’être vrai – El Karadaoui invoque son orthodoxie, un seul fait perdure : l’éternel source de la dissension a décidément la peau dure. Les chiites persistent à revendiquer la prééminence  de la «maison du Prophète» à sa succession et inversement les sunnites continuent de rejeter toute hérédité en la matière. L’esprit démocratique donne l’avantage à ces derniers sur les premiers. Pour le reste, il vaudrait mieux laisser la besogne aux érudits.
Je ne sais pas s’il existe un recensement des victimes de cette lutte pour le pouvoir, par contre, je constate que quinze siècles plus tard «on» nous convie, comme si on n’avait rien de mieux à faire, à mourir pour ces mêmes raisons, sans qu’auparavant l’univers sunnite prenne la peine de s’interroger sur les faiblesses de son immunité, telles que les évoque El Karadaoui. L’efficience des réponses à cette question n’est certainement pas chez Maghraoui et sa pédophilie érigée en dogme religieux et dépend d’autre chose que de la pensée du prêt-à-colporter habituel. Karadaoui nous dit que ce qui unit chiites et sunnites est plus grand que ce qui les sépare : un Dieu un et unique, un même Prophète, cinq prières par jour… En principe, cela devrait suffire pour qu’on nous laisse, comme le suggère Fouad Ali El Himma – je le cite pour exciter les islamistes du PJD – vivre l’Islam de nos parents, spirituel mais séculier. En somme, un état d’âme pieux fait de quiétude intérieure qui nous préserve des angoisses du temporel et des ressentiments que suscitent les courses poursuites derrière le pouvoir.

Le pape Benoît XVI à Paris fut un plaidoyer pour le monachisme, refuge des moines qui ont fait de la réclusion une forme de résistance à la laïcité.  La France, si à fleur de peau en général sur le sujet, ne s’en est pas émue. La fille aînée de l’église renoue-t-elle avec son histoire ? C’est à voir. Ce qui est certain par contre c’est que la laïcité a pris des rides. Le président Jacques Chirac ne se serait jamais signé en se recueillant sur les dépouilles mortelles des soldats tués en Afghanistan. Son successeur, Nicolas Sarkozy, si. Dans la foulée, il lance l’idée de « a laïcité positive» qui rappelle curieusement «le non alignement positif» cher à Fidel Castro hostile à une neutralité équidistante de feue l’URSS et des USA. La référence aux valeurs judéo-chrétiennes communes à l’Occident n’est pas nouvelle. Elle nichait déjà dans l’élaboration de la première mouture de la Convention pour une Constitution européenne qui insistait sur la source d’inspiration que sont pour les Européens les «héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe». La France est sans doute en droit de vivre comme bon lui semble son legs religieux, mais l’équité et la sauvegarde de ce qui reste de l’Etat séculier exigent dans ces conditions l’abrogation de la loi interdisant aux musulmanes le port du tchador dans les établissements scolaires. Après tout, les Britanniques font bien avec.

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