Chroniques

Hors-jeu : Exil préjudiciable

Le football marocain est devenu un «produit» qui s’exporte bien et les recruteurs, notamment ceux des pays du Golfe ratissent le prolifique royaume pour ne pas laisser échapper la perle rare. Mais le phénomène a pris des dimensions iconoclastes ces derniers temps. C’est à peine s’il ne s’agit pas de kidnapping en bonne et due forme. Des jeunes joueurs (juniors) du FUS de Rabat avaient tout à coup disparu de la nature sans préavis. «On» a réussi à les «hypnotiser» à coups de promesses juteuses, à tel point qu’un certain mardi, ils se sont retrouvés à bord d’un avion s’envolant vers le Bahreïn au lieu de se présenter à la séance quotidienne d’entraînement. Les adolescents comptaient intégrer tôt le professionnalisme. Il faut reconnaître dans ce sens que le foot reste au Maroc et en Afrique en général, un vecteur de promotion sociale bien que les clubs, tous pauvres, aient encore officiellement le statut d’amateurs. Mais une fois sur place, les jeunes fugueurs allaient être désagréablement surpris par la tournure qu’avaient prise les choses. Il n’était plus question de subir des tests en vue de probable signature de contrats qui leur permettrait d’évoluer quelques années dans le championnat local. Dès les premiers tests, ils sont mis devant une sorte d’ultimatum. Leurs passeports sont saisis. En contre-partie, la nationalité du pays hôte leur est littéralement offerte avec des sommes considérables et persuasives d’argent. Il en fallait plus pour chasser l’amour du pays du coeur de ces jeunes joueurs qui ont fini par rentrer au bercail, préférant ainsi la précarité mêlée à la quiétude plutôt qu’un eldorado aux conséquences imprévisibles. Ce n’est pas la première fois que ce genre de manigance ait lieu.
Bahia Mouhtassine, la tennis-woman n°1 du Maroc a été sujette à la même offre de la part du Qatar, sans parler d’un nombre indéterminé d’athlètes. Mais cette politique d’ouverture vers le Maroc a également donné lieu, dans un contexte de marchandisation accrue du football et de l’athlétisme, à de lamentables dérives.
Nos frères du Golfe seraient les bienvenus pour un investissement dans le football ou dans le sport marocain s’ils le souhaitaient. Dans lequel cas, ils auraient carte-blanche pour recruter ou transférer qui le veut, mais selon les normes et les réglementations en vigueur entre fédérations, clubs et responsables tous azimuts. Tout est possible sauf les pratiques esclavagistes. D’un autre point de vue, il faut reconnaître que le désespoir, surtout celui des jeunes, peut parfois faire perdre la raison. Rien ou presque ne se profile à l’horizon. En revanche, l’hémorragie risque de vider le pays de ses potentialités à moyen et à long termes. L’équation est autant plus compliquée que personne n’est en mesure de donner l’issue adéquate.
Ce qui est sûr en tout cas, c’est la nécessité de mettre fin à la fuite des jambes. Un mal aussi préjudiciable au sport marocain que celle des cerveaux l’est aux économies des pays les plus faibles.

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