C’est donc par curiosité, et par l’intermédiaire de l’omniscience d’Internet et de son voyeurisme youtubien, que je suis tombé sur la scène incriminée qui fait couler de l’encre indigné dans une certaine presse marocaine. Bon ! Pas vraiment de quoi faire un tagine. On voit l’actrice marocaine au lit avec un autre acteur égyptien. On perçoit à peine chez l’une et l’autre les épaules dénudées. Il y a quelques embrassades feintes et presque voilées. Le tout est très suggestif. Ce ni du Sharon Stone dans Basic Instinct ni du Yasmine, du nom de la célèbre hardeuse marocaine du porno. S’acharner donc sur cette pauvre actrice n’est donc pas seulement une injustice à son égard. C’est une faute contre l’esprit et le métier d’actrice. Le nom de celle-ci a été évoqué à l’occasion de cette controverse ramadanienne qui a frisé l’incident diplomatique à propos d’une production koweïtienne. La Marocaine y est représentée comme une voleuse d’homme, pute à souhait et adepte des diableries et autres pratiques maléfiques pour conquérir l’homme du Golfe qui n’en a pas si besoin tant celui est frustre pour ne pas dire rustre. Le sexe, la presse marocaine l’a compris, est lucratif. C’est ce qui explique les titres et autres dossiers alléchants qui reviennent de manière obsessionnelle sur la prostitution des Marocaines à l’étranger. La polémique sur la série koweïtienne renvoie, quant à elle, plus précisément à celle, plus récurrente, sur la situation des femmes migrantes dans les pays du Golfe. La chair marocaine y est semble-t-il tout aussi appréciée que l’est le thon rouge pour les Japonais.
L’empressement avec lequel certaines plumes marocaines, masculines pour l’essentiel, se froissent de cette image de la femme marocaine est pour le moins suspect. Le retour du refoulé peut faire mâle en plus de faire mal. Et si j’étais femme et marocaine, je me méfierais de tous ces chevaliers blancs qui montent au front pour défendre mon honneur perdu et ma dignité bafouée. D’abord parce que la femme marocaine n’existe pas. Il y a des femmes de toutes sortes et de tout genre et dans leur immense majorité, ce sont des femmes d’honneur. Ensuite, comme tous les peuples, nous avons aussi nos adeptes du plus vieux métier du monde. Elles ne le font notamment pas pour le plaisir et le plus souvent, elles le font pour des raisons qui pourraient forcer le respect dont celui de nourrir leurs familles. Enfin et surtout, on ressent chez ces avocaillons du plaidoyer paternaliste teinté de tyrannie qui, dans des envolées lyriques, prennent la défense de la femme en l’enfermant dans le portrait de la mère ou de la sœur. Mais à y voir de plus près, on perçoit surtout la défense d’une virilité marocaine mâle, narcissique et fantasmée.