Au Maroc, qui est habilité à dresser des actes à dates certaines ? La réponse à cette question suscite de grands remous ces derniers temps parmi les professions juridiques. Et pour cause, un arrêté ministériel signé par les ministres de la Justice, de l’Agriculture, du Développement rural et des Pêches maritimes ainsi que le ministre délégué chargé de l’Habitat et de l’Urbanisme fixant les conditions à remplir pour faire partie des professions juridiques et réglementées autorisées à dresser ces actes. Une première liste a déjà expressément été dressée par la réglementation marocaine.
La loi fixe ainsi plusieurs corps de profession juridique : les notaires d’abord, les adouls et les avocats près la Cour d’appel. Il s’agit des articles 12 des lois 18.00 relative aux immeubles soumis au régime de la copropriété et celle 44.00 ayant trait à la vente d’immeubles en état futur d’achèvement (vente sur plan). Pour la première, cet article stipule que « sous peine de nullité, tout acte relatif au transfert de la copropriété ou de la constitution, du transfert, de la modification d’un droit réel ou de l’extinction dudit droit, doit être établi par acte authentique». Et de préciser : «Ou par acte à date certaine dressé par un professionnel appartenant à une profession juridique et réglementée autorisée à dresser ces actes par la loi régissant ladite profession … la liste nominative des professionnels agréés pour dresser lesdits actes est fixée annuellement par le ministre de la Justice, sont inscrits sur cette liste les avocats agréés près la Cour suprême».
Sorti fin septembre dernier, cet arrêté ministériel élargit cette première liste à toute personne de nationalité marocaine, jouissant de tous les droits civiques, n’ayant jamais été condamné pour délit, titulaire d’une licence en droit ou d’un diplôme équivalent et qui doit justifier d’une expérience en tant qu’agent d’affaire durant une période minimale de trois années. Tout conseil juridique disposant d’une expérience de plus de 10 ans est dispensé de fournir la preuve d’un diplôme. La position des notaires est claire. « Un arrêté ne pourrait en aucun moment remplacer une loi et créer une nouvelle profession », précise Fayçal Benjelloun, premier vice-président de la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc. Réunis le 15 octobre dernier, des représentants des trois professions précédemment citées ont décidé de porter l’affaire devant le tribunal administratif. Et le notaire d’ajouter que cet arrêté ne pourrait servir ni les intérêts des professionnels ni ceux des citoyens qui risquent d’avoir recours à un cabinet non spécialisé sans aucune expertise juridique. Ce qui reviendrait à ouvrir la porte à tous les dépassements, estime-t-il.
Le notaire établi à Casablanca tire la sonnette d’alarme quant à la prolifération de cabinets qui établissent des actes authentifiés sans pour autant en avoir le droit. «Il est anormal de permettre à des personnes qui ne disposent pas de la formation nécessaire pour établir un acte authentifié». Et d’ajouter qu’au moment où la profession de conseil juridique en France a disparu en ayant été incluse à celle d’avocat,le maroc fait une sorte de pas en arrière en matière de réglementation en instaurant par arrêté une nouvelle profession.
Pour l’Association nationale des conseils juridiques et hommes d’affaires en immobilier, ce ne serait que rétablir les professionnels dans leurs droits. Durant de nombreux mois, cette association a exercé un grand effort de lobbying auprès des différentes autorités pour les amener à inclure les conseils juridiques et hommes d’affaires en immobilier dans la liste des professions juridiques habilitées. Conférences de presse et réunions de haut niveau ont été tenues pour expliquer la position de cette association qui, dans un communiqué rendu public dernièrement, s’est félicitée de pouvoir créer près de 1900 porteurs de diplômes en chômage dans les cabinets des membres de l’association et de ceux qui en dépendent.