Les propos tenus dimanche par l’ancienne secrétaire d’Etat américaine sur l’actuelle équipe du président George W. Bush sont pour le moins inhabituels : Madeleine Albright a tout simplement accusé l’administration en charge de la politique étrangère de souffrir de «troubles bipolaires non-soignés» !
Intervenant à la Faculté de Droit de l’Université de Tufts (Massachusetts), l’ex-chargée des affaires étrangères du président Clinton a ajouté que ces successeurs «soulignent l’importance de la règle de loi, mais semblent allergiques à certains traités destinés à la renforcer dans des domaines tels que le blanchiment d’argent, les armes biologiques, les crimes contre l’humanité et l’environnement». Celle qui fut aussi ambassadrice américaine auprès des Nations-Unies a également mis George W. Bush au défi de fournir un message unique et plus convaincant lors de son prochain voyage à Moscou et dans les capitales européennes. «Le président aura l’opportunité de clarifier la teneur et le but de la position américaine en expliquant clairement à la fois ce à quoi s’oppose l’Amérique, et qu’est le terrorisme, et ce qu’elle défend», a indiqué Mme Albright.
Cette «double personnalité » de la diplomatie américaine «est aussi évidente en Afghanistan où un jour, ils ridiculisent la construction de la nation, et un autre, ils proposent un nouveau plan Marshall», a-t-elle ajouté avant d’évoquer le dossier Proche-Orient. Devant les quelque 190 étudiants qui composaient son auditoire, l’ancienne secrétaire d’Etat a dénoncé le fait qu’à ce niveau, «les signaux variaient chaque jour».
Dans son discours de 20 minutes, Madeleine Albright s’en est également pris au dirigeants palestinien et israélien, déclarant qu’ils «avaient manqué une belle opportunité d’achever le processus de paix en rejetant la proposition de Clinton». A Camp David, a-t-elle expliqué, Arafat a refusé la meilleure proposition jamais faite aux Palestiniens». Et d’ajouter que «Sharon était aussi fermement opposé au Camp David, et qu’il n’a rien fait en faveur d’un plan de paix viable».
Si Mme Albright a été particulièrement virulente ce dimanche, elle et l’actuel secrétaire d’Etat sont loin d’en être au premier «clash». Au début de la présidence Clinton, Colin Powell avait lutté contre l’envoi des forces américaines dans le conflit bosniaque. On aime à répéter que Madeleine Albright lui avait à l’époque répondu : «Quel est l’intérêt d’avoir une armée aussi superbe que vous le dites, si nous ne l’utilisons pas ?» (M. Powell ayant été général). Lundi, le porte-parole de la Maison Blanche était resté muet face aux accusations de Madeleine Albright. Il n’a fourni aucun commentaire sur le caractère inhabituel que revêt l’attaque d’un ancien secrétaire d’Etat contre une administration en place. Colin Powell n’a pour sa part fait aucune déclaration…