Des dizaines de milliards ont été injectés dans le cadre de la stratégie nationale en faveur de cette catégorie d’exploitations agricoles
Agriculture
Le secteur agricole est dominé au Maroc, à l’image de la plupart des pays en développement, par la petite exploitation. Elle constitue une priorité pour le gouvernement. Eclairages.
Garante de la sécurité alimentaire et gisement important d’emploi, la petite et moyenne agriculture constitue l’épine dorsale de l’économie du monde rural. Cette catégorie est ainsi au cœur des priorités, notamment dans le cadre de la stratégie agricole nationale. En effet, l’agriculture familiale joue un rôle clé dans la dynamique économique et sociale en milieu rural et contribue fortement à la sécurité alimentaire. Sur le plan démographique, la petite exploitation familiale regroupe 7 millions d’individus, soit 54% de la population rurale et 71% de la population agricole. C’est la principale pourvoyeuse de main-d’œuvre en milieu rural ou du marché du travail en milieu rural.
Près de 87% des exploitations, soit plus d’un million, ont une superficie de moins de 10 ha.
Ces exploitations qui dominent ainsi les territoires ruraux sont en grande majorité des petites exploitations familiales. Sur le plan économique, la petite agriculture familiale contribue avec près de 33% à la valeur de la production agricole et participe à hauteur de 80% à l’emploi agricole à travers les chefs d’exploitations, les aides familiaux et le travail salarié agricole. Elle constitue également un levier important pour le travail des femmes dans la mesure où 90% des femmes exploitantes sont chefs de petites exploitations familiales d’une part. D’autre part, le mode de fonctionnement fait que l’espace de l’exploitation est une extension de l’espace domestique, d’où le rôle central de la femme dans l’économie de l’exploitation. Sur le plan de la sécurité alimentaire, la contribution de la petite agriculture familiale est primordiale puisque l’essentiel des volumes des productions alimentaires de base provient de ces exploitations.
En effet, 88% des exploitations irriguées sont d’une taille inférieure à 10 ha. Dans la filière laitière, 73% des éleveurs laitiers ont moins de 5 vaches et contribuent pour plus de la moitié à la collecte de la production laitière. La petite agriculture familiale est également le garant de la sauvegarde et de la valorisation des territoires ruraux avec toutes les spécificités et les richesses régionales qu’ils peuvent inclure. Cela inclut entre autres les savoir-faire traditionnels, le patrimoine culturel, le patrimoine écologique et agronomique, la biodiversité mais également la protection des ressources naturelles. Pour les responsables, les fonctions et multiples rôles de la petite agriculture sur les plans économique, social, environnemental et culturel lui confèrent une importance indéniable dans les politiques publiques.
Nouvelle dynamique grâce au Plan Maroc Vert
Conscient du rôle fondamental de l’agriculture familiale dans le développement socio-économique de notre pays, le Plan Maroc Vert, lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en 2008, a fait de l’inclusion de la petite agriculture une priorité et ce à travers l’ensemble de ses programmes. Etant donné que 87% des exploitations sont des petites et moyennes exploitations familiales, l’essentiel de l’effort public est adressé à cette catégorie. Le Plan Maroc Vert a placé l’irrigation au centre des réformes transversales structurantes visant à faire face à la raréfaction des ressources en eau. Il a ainsi accordé une place de choix à la maîtrise et à la rationalisation de l’eau d’irrigation afin d’améliorer la production et la productivité agricole dans un contexte marqué par les changements climatiques. La petite et moyenne agriculture familiale représente une part importante des bénéficiaires de ces programmes vu son poids dans les structures agraires des périmètres de grande hydraulique et de la petite et moyenne hydraulique.
En effet, 93% des exploitations dans les périmètres de la grande hydraulique ont une taille inférieure à 10 ha et exploitent près de 56% de la superficie. Par conséquent, sur les 36 milliards DH du budget public investi dans le cadre du PMV pour l’aménagement externe des périmètres, au moins 58% a bénéficié à la petite et moyenne agriculture familiale (PMAF), soit un budget de 21 milliards DH. Concernant les programmes de développement des filières animale et végétale, les principaux programmes ayant intéressé la PMAF sont les plantations (une part de 28% du soutien aux plantations), l’acquisition de petit matériel agricole essentiellement (56% des aides à l’acquisition de ce matériel), l’acquisition des génisses laitières à travers leurs coopératives laitières (23% des aides à l’acquisition des génisses) et la production de viandes rouges (63% des aides destinées aux croisements industriels).
Le total des aides aux filières captées par la PMAF est estimé à 6,93 milliards DH. Aussi, tous les programmes de lutte contre les effets de la sécheresse ont bénéficié principalement à la PMAF qui exploite en moyenne 74% des effectifs des bovins, ovins et caprins. Sur les 3 milliards dépensés, plus de 2,2 milliards DH ont bénéficié à la PMAF. De même, les efforts déployés pour la protection du cheptel national dans le cadre des campagnes de vaccination ont totalisé un budget de 1,75 milliard DH destiné aux éleveurs de la PMAF qui entretiennent 70 à 83% du cheptel selon les espèces.
Agriculture solidaire
Selon la tutelle, le pilier II du Plan Maroc Vert concerne le déploiement d’une agriculture solidaire pour la lutte contre la pauvreté et la précarité, notamment dans les zones à économie fragile et ce, à travers l’amélioration des revenus des agriculteurs pratiquant une agriculture familiale de subsistance par la diversification et l’intensification de la production agricole, ainsi que la valorisation des produits locaux. L’ambition du pilier II est de permettre aux agriculteurs des PMAF des zones défavorisées (notamment les zones de montagne, les oasis, les zones arides et semi-arides) d’améliorer durablement leurs revenus et leurs conditions de vie, en leur permettant de sortir de l’agriculture de subsistance et de s’insérer dans des filières porteuses et profitables en connexion avec le marché, tout en leur assurant un niveau suffisant de sécurité alimentaire. A fin 2020, 989 projets pilier II ont été lancés au profit de 730.000 bénéficiaires pour un budget mobilisé de 14,5 milliards DH. Ces projets ont porté entre autres sur la plantation de 380 mille ha d’arbres fruitiers dont près de 57% d’olivier et 20% d’amandier, des espèces résilientes et dont les revenus sont plus stables et supérieurs aux revenus des cultures pratiquées avant, notamment les cultures céréalières. La PMAF a également bénéficié de la construction de 430 unités de valorisation dont 124 centres de collectes de lait. Le programme pilier II a permis également aux petits agriculteurs de bénéficier de 100 000 ruches d’abeilles, etc. L’ensemble des régions a bénéficié des projets pilier II et plus particulièrement les zones de montagne et les zones fragiles.
Essor des produits du terroir
L’essor des produits du terroir est un des apports majeurs du Plan Maroc Vert qui en a fait un levier pour l’inclusion de la petite et moyenne agriculture familiale à travers la valorisation des produits du terroir avec un ancrage territorial fort lié aux potentialités réelles dont recèle le pays en matière d’écosystèmes propices, de biodiversité variée et de savoir-faire dans le domaine. Le développement des produits du terroir est également un gisement de création d’emplois et d’amélioration des conditions de vie des ruraux, notamment en faveur de la femme rurale et des jeunes. C’est ainsi qu’une stratégie dédiée a été consacrée à cette filière «La Stratégie de développement des produits du terroir» avec une vision intégrée de développement tout au long de la chaîne de valeur.
Coopératives
Les succès des coopératives des produits de terroirs, des coopératives laitières, des coopératives apicoles et d’autres types de coopératives montrent que lorsqu’elles sont bien gérées et bien accompagnées, elles constituent une des formes privilégiées de structuration de la petite agriculture familiale.
Cette forme privilégiée de l’économie sociale et solidaire a toujours été encouragée et soutenue dans le monde agricole en particulier avec le PMV. En effet, 70% des coopératives au Maroc sont des coopératives agricoles. «Grâce au Plan Maroc Vert, le secteur agricole compte actuellement 14.000 coopératives (production, services, commercialisation, etc.) contre 4.000 coopératives en 2008.
Ce sont près de 10.000 coopératives qui ont été créées au profit de 70.000 bénéficiaires dont 23% de femmes principalement issues des petites et moyennes exploitations familiales», expliquent les responsables. Dans le cadre de la stratégie PMV, la petite et moyenne agriculture a bénéficié de 55% de l’effort budgétaire entre 2008 et 2020. Malgré sa faible capacité financière et sa faible capacité structurelle d’absorption des programmes de développement, sur un effort budgétaire total exécuté durant le PMV, de l’ordre de 94,5 milliards DH, la petite et moyenne agriculture familiale a bénéficié de près de 52 milliards DH, soit près de 55%, ce qui témoigne de l’efficacité des mécanismes de mise en œuvre du PMV pour le ciblage de la petite agriculture. En termes d’investissement, la PMAF a capté près de 50% des investissements globaux bien qu’elle représente le 1/3 des superficies, soit 63 milliards DH, ce qui confirme l’intérêt du PMV pour cette catégorie essentielle à la dynamique économique en milieu rural.
Agriculture familiale : atouts et défis
L’agriculture familiale marocaine dispose d’atouts indéniables, notamment en matière de flexibilité puisque son système de gestion et de prise de décision peut faire preuve d’une grande souplesse et donc s’adapter rapidement aux changements et aux chocs. Elle affiche également une durabilité à travers des systèmes de production qui sont le plus souvent peu intensifs et respectueux de l’environnement sans oublier son impact économique et social au niveau territorial puisqu’elle génère un effet d’entraînement sur le développement de son écosystème local par le biais de la consommation, la création d’emplois particulièrement pour les femmes et l’offre de main-d’œuvre salariée. Mais l’agriculture familiale reste fragilisée par plusieurs facteurs, notamment le foncier (la complexité des statuts, les problèmes structurels de morcellement et d’indivision), la taille économique, l’accès limité au financement, la difficulté d’absorption des technologies (taille trop réduite pour les rentabiliser). La fragilité de la PMAF est le fait d’une multitude de facteurs qui transcendent l’activité agricole. Par conséquent, la petite et moyenne agriculture familiale est au cœur de toutes les politiques publiques, dont la synergie peut favoriser son développement.