A défaut de dire par le menu le but du séjour au Maroc d’Ibrahima Boubakar Keita, candidat aux présidentielles maliennes, l’accueil qui lui a été réservé mercredi par les présidents des Chambres du Parlement lui a donné un sens et une dimension éminemment politiques. Jusqu’alors rien ou presque n’avait filtré des motivations qui ont poussé l’ancien Premier ministre et ex-président de l’Assemblée malienne à accepter l’invitation de l’USFP alors qu’une campagne présidentielle à laquelle il est candidat bat son plein dans son pays.
Ni le 1er secrétaire du parti, Driss Lachgar, ni Habib El Malki, le président de son Conseil national, n’ont daigné s’expliquer sur le sujet. C’est donc Ibrahima Keita, président du Rassemblement pour le Mali et neveu du Grand Modibo Keita – père du Mali indépendant et l’un des fondateurs de l’Organisation panafricaine aux côtés de Feu SM Mohammed V- qui a dit ses intentions lors d’une conférence donnée mercredi au siège de l’USFP à Rabat.
Intitulé «La situation au Sahel et les défis de la reconstruction de l’Etat malien», l’exposé a établi que le cataclysme malien a une cause principale : la déliquescence de l’Etat. Elle a conduit à la signature du traité d’Alger par lequel non seulement le Mali a accepté de dégarnir sa ligne de défense du nord frayant la voie aux invasions terroristes, mais encore par lequel il a aliéné une partie de sa souveraineté en permettant à l’Etat voisin de s’immiscer directement dans ses affaires intérieures.
Alors, a déclaré le candidat socialiste aux présidentielles maliennes : «Plus jamais ça !». Mais pour ce faire, il faut réhabiliter l’Etat, ancrer la bonne gouvernance, cultiver la justice sociale, bannir la corruption et rééquilibrer les relations avec le voisinage. Cette volonté pérenne de réajustement, Boubakar Keita affirme l’avoir reçue en legs de son oncle Modibo Keita. Car «les relations du Mali avec le Royaume chérifien sont tout autant anthropologiques, qu’économiques ou que culturelles et religieuses».
Au demeurant, le Mali et le Maroc des lendemains des indépendances avaient une très nette perception de leur communauté de destin malgré la distance et le Sahara. Ibrahima Boubacar Keita le laissera entendre à plusieurs reprises : pour faire face à ces ennemis, et aussi, pour lutter efficacement contre ses propres démons, le Mali a besoin de l’aide de ses amis.
Aide à la reconstruction, car en dépit de sa brièveté, la guerre a fait des victimes et des ravages, laissé des séquelles morales indélébiles. Aide à la réhabilitation de l’Etat et au retour de son crédit à l’international, soutien aux populations éprouvées par la guerre et l’insécurité, à l’administration saisie par le doute, à l’élite qui hésite… aide enfin pour lutter efficacement contre la déliquescence d’une entité autrefois unie et prospère. En sorte que le message est celui-ci : comme parfois au temps jadis, le Mali a besoin du Maroc. On l’aura compris, c’est à la diplomatie parallèle que s’est essayé l’USFP en invitant l’un des plus charismatiques candidats aux présidentielles maliennes.
Il y a réussi si l’on en juge par la qualité de l’accueil réservé par le Parlement à son hôte. Cet accueil a valeur de caution dans les circonstances actuelles. Mais, cela suffira-t-il à faire oublier le camouflet subi en réunion de l’Internationale socialiste à propos du Sahara ?
Beaucoup pensent que non et que la région verra beaucoup de levers de soleil avant que cette malheureuse affaire ne se tasse complètement comme dune pérenne dans les ergs sahéliens. Encore que certains affirment que le chemin qui mène à l’Internationale socialiste d’Europe peut à l’occasion passer par Bamako.