Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur ces derniers mois avec la probabilité d’évoluer vers de nouvelles formes de mobilisation
Société: Les autorités font face à une menace émergente sur les réseaux sociaux. Des groupes de plus en plus nombreux utilisent la sphère de médias sociaux afin de coordonner des tentatives de masse dans une nouvelle forme de mobilisation qui peut menacer la sécurité. Éclairages.
Facebook, TikTok et d’autres réseaux sociaux deviennent aujourd’hui le terreau d’une nouvelle forme de mobilisation pour une émigration clandestine ciblant les adolescents et les jeunes. Même si l’origine des appels lancés demeure à ce stade peu claire, il semblerait que les réseaux de l’émigration clandestine tentent de tester l’utilisation des réseaux sociaux pour le recrutement de nouveaux candidats. Les autorités publiques se mobilisent également pour faire face à ce phénomène qui prend de l’ampleur. Dans ce sens, les opérations sécuritaires menées, du 09 au 11 septembre, par les services de police dans les villes de Tanger et Tétouan pour la lutte contre les contenus numériques incitant à l’immigration illégale, ont abouti à l’interpellation de 60 individus, dont des mineurs, pour leur implication présumée dans la fabrication et la diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux incitant à l’organisation d’opérations collectives d’immigration illégale.
16.818 migrants ont été secourus (+ 35 % par rapport à 2022) et pris en charge en termes d’assistance, d’accompagnement médical, d’hébergement et d’orientation.
Les services de veille informatique de la Sûreté nationale ont repéré des contenus numériques publiés sur les réseaux sociaux incitant ouvertement à prendre d’assaut la barrière de sécurité entre les villes de Fnideq et Sebta, le 15 septembre 2024, et appelant les utilisateurs des sites et plateformes sociales à l’immigration illégale de manière collective, a indiqué une source sécuritaire. Les investigations techniques et les recherches de terrain ont permis d’identifier 13 personnes impliquées dans la diffusion et le partage de ces contenus numériques, sur la base de données précises fournies par les services de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), avant que ces individus ne soient interpellés par la police judiciaire de Tétouan lors d’opérations sécuritaires menées dans les villes de Casablanca, Tétouan, Larache, Ouezzane, Rabat, Missour, Oujda, Fès, Mohammedia et Ouislane, relève-t-on.
La même source précise qu’une opération sécuritaire similaire menée dans la ville de Tanger a conduit à l’interpellation de 47 suspects immédiatement après leur arrivée aux gares ferroviaire et routière, alors qu’ils tentaient de répondre aux contenus numériques incitant à l’organisation d’une opération collective d’immigration clandestine. Les individus concernés ont été soumis aux procédures de l’enquête judiciaire menée sous la supervision du parquet compétent, afin d’élucider les tenants et les aboutissants de ces actes criminels, au moment où les recherches et les enquêtes se poursuivent pour identifier et interpeller les instigateurs de ces actes et les personnes directement impliquées dans la fabrication et la diffusion de ces contenus et informations incitant à l’organisation d’opérations collectives d’immigration illégale.
Mode opératoire
Cette situation suscite aujourd’hui des interrogations en raison des dérives qui peuvent apparaître. Et pour cause. Ces agissements rappellent le même mode opératoire utilisé dans d’autres pays pour provoquer des émeutes et des «raids» pour le pillage à grande échelle des commerces. Ce fut le cas notamment en France où les médias sociaux ont joué un rôle important dans les émeutes urbaines qui ont touché ce pays. Les médias et les autorités français avaient alors souligné au cours de ces événements l’utilisation de Snapchat en raison de sa capacité à géolocaliser les amis en temps réel ou à trouver sur une carte des zones de forte viralité, qui peuvent ensuite inciter à rejoindre des émeutiers. TikTok avait été aussi pointé du doigt à cause de son algorithme de recommandation « pour toi » qui va suggérer de regarder des images qui vont faire le buzz et parfois inviter à se mettre en scène sur une action violente. D’ailleurs et après la diffusion des images d’émeutiers se filmant avec leur mobile et appelant à la violence, des milliers de contenus et des centaines de comptes sur les réseaux sociaux ont été suspendus à la demande de l’État pendant les émeutes en France. Cette situation avait même poussé le président français à évoquer lors d’un événement avec le maires de France à l’Elysée une réflexion pour «réguler ou couper» les réseaux sociaux en cas de situation de crise.
Ces agissements rappellent le même mode opératoire utilisé dans d’autres pays pour provoquer des émeutes et des «raids» pour le pillage à grande échelle des commerces.
L’idée pour les autorités françaises était en fait de proposer « la suspension de fonctions de géolocalisation, sur certaines plateformes, qui permettent à des jeunes de se retrouver à tel ou tel endroit ». Au Maroc, le débat est lancé pour réguler l’utilisation des réseaux sociaux par les mineurs comme ce fut le cas de certains pays européens. Des réflexions sont en cours pour proposer des initiatives législatives dans le but d’empêcher les enfants d’un certain âge d’avoir un compte sur ces plateformes. En France, la loi du 7 juillet 2023 vise à instaurer une majorité numérique. De nouvelles obligations sont imposées aux réseaux sociaux (tels TikTok, Instagram, Snapchat…). Ces derniers devront ainsi refuser l’inscription à leurs services des enfants de moins de 15 ans, sauf si un des parents a donné son accord ; informer, lors de l’inscription, les enfants de moins de 15 ans et leurs parents sur «les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention» et sur les conditions d’utilisation de leurs données personnelles ; et permettre aux parents, ou à l’un des deux, de demander la suspension du compte de leur enfant de moins de 15 ans. Reste à savoir si les responsables marocains pourront rapidement trouver des solutions afin de minimiser au maximum le danger de l’utilisation des réseaux sociaux pour mobiliser les mineurs et les jeunes afin de commettre des actions contraires à la loi. La coopération des plateformes internationales est essentielle.
Des contraintes techniques peuvent également apparaître pour réguler l’utilisation des réseaux en cas de crise. Mais c’est une autre paire de manches…
efforts marocains
Lutte. Le Maroc a avorté 75.184 tentatives d’émigration irrégulière en 2023, un total qui s’inscrit en hausse de 6% par rapport à 2022, selon le ministère de l’intérieur. Le Royaume, qui met à contribution dans sa lutte contre l’émigration irrégulière la résilience des dispositifs de surveillance des frontières et des littoraux, a continué en 2023 à faire face à une pression migratoire constante et grandissante dans un environnement régional instable et porteur de menaces plurielles. De même, l’action des réseaux de trafic n’a pas fléchi avec plus de 419 réseaux démantelés (+ 44 % par rapport à 2022), précise le ministère, ajoutant que ces réseaux développent constamment leurs stratégies et mutualisent leurs services et activités criminelles.
Pour ce qui est des opérations de secours et d’assistance en mer, le ministère fait savoir que 16.818 migrants ont été secourus (+ 35 % par rapport à 2022) et pris en charge en termes d’assistance, d’accompagnement médical, d’hébergement et d’orientation et ce, dans le cadre de la gestion humanisée des frontières. Aussi, 6 assauts sur les présides de Sebta et Melilia ont été enregistrés ayant impliqué plus de 1.400 migrants (- 62 % par rapport à 2022), poursuit la même source, qui indique que 5.844 migrants irréguliers ont bénéficié des retours volontaires vers leurs pays d’origine dans le respect de leurs droits et dignité et en coordination avec l’OIM et les légations diplomatiques (+ 62 % par rapport à 2022).
Ces efforts déployés dénotent la contribution majeure du Royaume du Maroc en matière de sécurité régionale et de lutte contre les réseaux de trafic transfrontaliers. Ils traduisent également son engagement solidaire avec tous les partenaires pour une approche collective face aux enjeux et aux défis liés à la question migratoire.
Bilan
Tentatives
Selon le ministère de l’intérieur, un total de 54.015 tentatives d’immigration irrégulière ont été déjouées grâce à l’adaptation des procédures de contrôle aux frontières et aux côtes depuis le début de l’année 2024.
Nationalités
Selon la même source, 11.323 tentatives ont été stoppées dans la province de M’diq, et 3.325 dans la province de Nador, durant le mois d’août dernier. Ces tentatives ont été menées par des individus de diverses nationalités.
Réseaux
Les forces de sécurité ont démantelé 177 réseaux criminels spécialisés dans le trafic de migrants. Pas moins de 10.589 personnes ont été sauvées en mer par les autorités compétentes qui ont fourni une assistance complète, comprenant l’aide humanitaire, le suivi médical, l’hébergement et l’orientation, dans le cadre d’une gestion humanitaire des frontières.