Aucun signe en provenance de l’Elysée n’indique que Nicolas Sarkozy serait prêt à reculer ni à faire des concessions sur son projet de réforme du système du retraite qui enflamme le pavé français depuis plus d’un mois. Bien au contraire, tout montre que l’homme a choisi la stratégie de rester droit dans ses convictions, d’imposer une réforme qu’il juge cruciale et pour l’avenir du système de retraite et pour sa propre crédibilité à vouloir reconquérir la confiance de sa majorité pour préparer la grande bataille des présidentielles à venir. Et pourtant, tout aurait pu concourir à exiger de celui que les sondages plongent dans une entêtante impopularité une grande souplesse. A commencer par les journées de grandes manifestation nationales qui se sont succédé avec une grande régularité, en passant ensuite par les risques de paralysie qui pèsent sur des secteurs économiques d’une grande vitalité comme la pénurie de carburants due au blocage des raffineries et qui a poussé certaines grandes entreprises à actionner leurs réserves stratégiques. Sans parler du grand risque de dérapage sécuritaire que constitue l’arrivée sur le terrain de la contestation sociale du mouvement des lycéens en attendant celui des étudiants. Deux grandes écoles livrent des analyses diamétralement opposées sur la perception et le bénéfice que tire Nicolas Sarkozy de ce nouveau rapport de force. La première, la plus optimiste, indique que l’homme dont l’opportunisme politique est une seconde nature pourra exploiter la radicalisation des manifestations pour apparaître sinon comme un pôle de stabilité et de responsabilité du moins comme un président assailli par les relents pyromanes des extrêmes qui seraient même parvenus à entraîner dans leur sillage les grands symboles de l’opposition qui lui dispute le leadership. Aux pulsions adolescentes et irresponsables d’une opposition politique et syndicale, Nicolas Sarkozy opposera son intraitable volonté réformatrice. Autrement dit, plus l’opposition conteste avec radicalité cette réforme, plus elle a de la chance de faire luire et de redonner un second souffle à l’ensemble de l’héritage Sarkozy auprès d’une frange non négligeable de l’opinion. La seconde école oppose à cet optimisme un tableau plus noir. La mobilisation à répétition de la rue est un fracassant désaveu des prévisions de Nicolas Sarkozy. L’homme, enivré sans doute par sa majorité arithmétique à l’Assemblée et au Sénat, n’avait-il pas claironné à sa famille une musique des plus rassurantes : La réforme passerait comme une lettre à la poste. Elle donnerait le grand signal pour configurer le quinquennat en cours et celui à venir. Ni l’opposition ni les syndicats ne disposent de l’énergie ni de la crédibilité indispensable pour s’y opposer. Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy en est réduit à miser sur l’essoufflement des manifestations pour passer sa réforme et imposer sa marque. L’impitoyable bataille des chiffres que se livrent le ministère de l’intérieur et les centrales syndicales en est l’emblème le plus parlant. Dommage collatéral inattendu, ce qui devait dynamiser la volonté réformatrice de Nicolas Sarkozy est en train de lui empoisonner le grand remaniement gouvernemental qu’il avait prévu comme une carte maîtresse pour se relancer. Si les manifestations et le grèves reconductibles dans certains secteurs se poursuivent, le changement de Premier ministre deviendra encore plus problématique.