Le Maroc confirme son positionnement en tant que hub d’innovation. En témoigne le flux massif des participants à la 3ème édition du Gitex Africa.
Pas moins de 1.500 exposants, 800 startups et 130 délégations officielles internationales ont fait le déplacement à Marrakech pour prendre part à cette manifestation dont les travaux ont démarré lundi 14 avril.
Des chiffres qui illustrent l’attractivité du Royaume en tant que carrefour numérique et pivot de la coopération Sud-Sud dans le domaine technologique. Cette troisième édition du Gitex Africa renforce, ainsi, la vocation du Maroc de devenir une plateforme de dialogue, d’innovation et de coopération pour une Afrique numérique, créative et souveraine. Des ambitions qui ont été réitérées par le Chef du gouvernement. Dans son allocution, Aziz Akhannouch a mis l’accent sur le positionnement que revêt aujourd’hui le Gitex Africa sur la scène événementielle ainsi que sur la nécessité de coopérer, d’investir dans le développement d’infrastructures numériques et d’exploiter le potentiel des technologies en faveur du progrès et de la justice sociale en Afrique.
«Le Salon Gitex Africa constitue un point de rencontre entre le présent et l’avenir, ainsi qu’une vitrine des synergies africaines pour échanger des idées et jeter les bases d’une coopération dans le domaine numérique. Nous devons unir nos efforts pour que les pays du continent considèrent l’investissement dans la technologie numérique comme un outil de libération et de souveraineté», assure le Chef du gouvernement. Et de préciser que «Le temps de la consommation passive de la technologie est révolu, place au travail, à la coopération et au changement». A cet égard M. Akhannouch a appelé les forces vives du continent africain a s’activer pleinement dans cette nouvelle ère digitale.
«L’Afrique ne peut se contenter de suivre le mouvement mondial, mais elle est appelée à être actrice à travers la participation, la réflexion et l’innovation. Ce dont nous avons besoin dans ce cadre c’est de la coopération, de l’investissement et de l’intégration», peut-on relever du Chef du gouvernement. Selon M. Akhannouch, l’Afrique doit développer ses infrastructures numériques, généraliser l’accès à Internet haut débit et former davantage dans les domaines de l’intelligence artificielle et des données. «C’est l’orientation que nous défendons aujourd’hui, car nous voulons un continent qui ne subisse pas les effets des révolutions numériques, mais qui les utilise et les oriente au service de ses peuples».
Vers une intelligence artificielle éthique et responsable
L’intelligence artificielle s’est invitée avec force lors de la cérémonie inaugurale du Gitex Africa. Se référant au Chef du gouvernement, «cette troisième édition se déroule à un moment charnière de notre histoire contemporaine qui se caractérise par la présence de l’intelligence artificielle dans notre vie quotidienne, ainsi que par une transformation sérieuse dans tous les aspects de la vie aussi bien sur le plan économique, institutionnel que sociétal, ce qui soulève des questions sur les fondements, la gouvernance, l’emploi, la justice, la démocratie, etc.». Et de préciser que «le Royaume s’engage activement dans les forums internationaux pour plaider en faveur d’une intelligence artificielle éthique et responsable, qui respecte les droits de l’Homme, protège les informations et les données personnelles et sert le bien public, en particulier face à la prolifération d’un ensemble de pratiques répréhensibles, notamment les cyberattaques». Sur ce point le Chef du gouvernement a appelé à une réflexion collective sur les mécanismes à adopter pour renforcer la sécurité de l’information afin de protéger les systèmes contre les agissements non éthiques. «Lors du dernier Sommet d’action sur l’intelligence artificielle, le Royaume du Maroc a exprimé une position claire et a affirmé que l’Afrique ne peut rester un simple terrain d’expérimentation, mais doit être un acteur, un décideur et un producteur», conclut le Chef du gouvernement.
L’Afrique dispose de tous les atouts pour un leadership IA
L’implémentation de l’intelligence artificielle figure parmi les piliers de la stratégie nationale «Maroc Digital 2030». Cette vision place le numérique comme priorité nationale. Elle repose en effet sur deux axes fondamentaux, en l’occurrence la création d’une administration numérique au service du citoyen et de l’entreprise ainsi que d’une économie numérique productive de valeur qui stimule l’innovation et la création d’emplois.
«L’économie numérique représente aujourd’hui 15% du PIB mondial, soit environ 6.500 milliards de dollars.
Conscients de l’ampleur de cette révolution numérique, nous nous engageons activement dans la construction des fondations d’un avenir où la digitalisation, et à travers elle, l’intelligence artificielle, bénéficie à tous», assure pour sa part Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée auprès du Chef du gouvernement, chargée de la transition numérique et de la réforme de l’administration. Et de préciser: «La transformation numérique n’est plus une option, mais un levier fondamental du développement. Notre ambition doit aller plus loin encore. Nous devons regarder au-delà de l’ère numérique, vers la prochaine ère qui façonne déjà nos économies, nos institutions et nos sociétés, à savoir l’ère de l’intelligence artificielle». L’usage grandissant de l’intelligence artificielle dans différents pôles d’activité reflète le changement profond dans l’architecture de l’innovation.
Après avoir franchi le cap de l’IA générative et multimodale, le monde se trouve aujourd’hui à la frontière de l’IA agentique, une nouvelle classe de systèmes capables d’agir de manière autonome, d’apprendre en continu, de planifier, raisonner et prendre des décisions dans divers domaines. «Ce passage d’outils à agents intelligents marque un tournant majeur.
Le marché mondial de l’IA agentique devrait dépasser 320 milliards de dollars d’ici 2030. Les entreprises accélèrent leur adoption : 70% des grandes sociétés prévoient d’intégrer des agents IA dans les deux prochaines années. Mais la question n’est pas seulement quand, c’est comment entrer dans cette ère de façon maîtrisée et souveraine ?», indique la ministre. Pour Mme El Fallah Serghouchni, l’Afrique possède des atouts stratégiques pour un leadership mondial dans l’IA. Citons dans ce sens sa jeunesse de plus en plus connectée.
A cela s’ajoutent l’élan d’investissement croissant observé au niveau continental avec plus d’un milliard de dollars investis en partenariats public-privé dans l’IA, notamment en Égypte, au Kenya et au Maroc ainsi que son paysage d’innovation florissant, avec plus de 2.400 startups IA et deep tech à travers le continent.
Au cœur de cette transition, le continent continue de faire face à des fractures réelles. Amal El Fallah Seghrouchni cite dans ce sens la fracture des capacités de calcul par référence à la faible capacité régionale en centres de données. La ministre évoque également la fracture des talents. «Le continent produit à peine 0,5% des publications de recherche en IA, tout en faisant face à une pénurie de plus de 10 millions de professionnels dans le domaine», assure -t-elle. Parmi les défis à relever figure également la fracture des données et des modèles. Il ressort que 95% des données utilisées pour l’entraînement des IA mondiales ignorent les langues africaines et les contextes culturels du continent. «Ces fractures ne sont pas seulement techniques, elles sont géopolitiques. Elles appellent à une réponse collective, stratégique et urgente», souligne la ministre déléguée. Mme El Fallah Seghrouchni a conclu son intervention par une invitation directe et collective à tous les acteurs africains pour construire des jeux de données multilingues et inclusifs, de développer des modèles ouverts, centrés sur l’Afrique, d’investir dans des infrastructures vertes et souveraines, de former les 10 millions de professionnels de l’IA dont l’Afrique a besoin et de co-gouverner l’intelligence artificielle pour une intelligence qui respecte l’éthique et le bien-être social.
«L’ère de l’intelligence ne doit pas être une course réservée à quelques-uns, mais une mission collective, portée par tous», précise-t-elle.
Les startups à l’honneur
Plateforme stratégique
Les startups constituent l’un des piliers centraux de cette troisième édition de Gitex Africa. «Ce tissu entrepreneurial dynamique incarne l’esprit d’innovation et d’initiative. Des centaines de start-up venues de divers pays, aux côtés de jeunes entreprises marocaines innovantes et compétitives dans divers domaines technologiques, participeront à cette édition», déclare dans ce sens Mohammed Drissi Melyani, directeur général de l’Agence de développement du digital (ADD). Et de poursuivre: «Le Salon leur offre une plateforme stratégique pour présenter leurs projets, conclure des partenariats avec des investisseurs et s’ouvrir à de nouveaux marchés. Cette forte présence confirme leur rôle essentiel dans la trajectoire de la transformation numérique, en tant que moteurs de l’économie de demain, fondée sur l’innovation et la technologie». Il est à rappeler que Mme El Fallah Seghrouchni a échangé dimanche avec les porteurs de projets, dont les 200 startups sélectionnées dans le cadre de l’Initiative «Morocco 200». Ces dernières bénéficient d’une participation subventionnée par le ministère à l’occasion de la 3ème édition de «Gitex Africa Morocco», soit 95% des frais de location des stands leur permettant ainsi de lever les barrières financières pour accéder à un évènement d’envergure à l’instar du Gitex. Ainsi, chaque startup dispose d’un stand de 4 m2, d’un accès à des bootcamps de préparation pré-événement, conçus en partenariat avec des investisseurs, des mentors et des accélérateurs dans l’objectif de renforcer leurs capacités à présenter efficacement leurs projets, structurer les pitchs, et mieux anticiper les attentes du marché. Dans la même optique, plus de 600 rendez-vous B2B sont planifiés entre startups, investisseurs et partenaires. Il est à noter que l’Initiative «Morocco 200», lancée par la tutelle, en collaboration avec l’ADD, vise à favoriser l’internationalisation des startups marocaines et à dynamiser leur présence sur la scène technologique mondiale.