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Lahcen Essaadi : «L’économie sociale et solidaire est profondément ancrée dans les traditions marocaines»

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Entretien avec Lahcen Essaadi, secrétaire d’Etat chargé de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire

L’économie sociale et solidaire (ESS) joue un rôle croissant dans le développement local au Maroc, en particulier dans les zones rurales. Elle représente une précieuse opportunité pour une large partie de la population. Ce modèle favorise l’inclusion des femmes et des jeunes, notamment en leur permettant d’améliorer leur revenu. Pour renforcer cette dynamique, il est essentiel de structurer les initiatives locales existantes, en accompagnant les acteurs par la formation, l’encadrement juridique et l’accès au financement. Le cadre légal a d’ailleurs été renforcé ces dernières années. Un élan qui se poursuit avec une loi-cadre visant à intégrer l’ensemble des intervenants du secteur. Par ailleurs, les exportations marocaines dans le secteur de l’artisanat continuent de progresser tirées par le marché américain qui constitue le premier client du Maroc dans ce domaine. Quel rôle joue l’ESS dans le développement local ? Comment intégrer les femmes et les jeunes dans ce processus ? Comment améliorer le cadre légal pour répondre aux enjeux actuels ? Et quel est l’impact de la hausse des droits de douane américaine sur les produits d’artisanat marocain ? Autant de questions auxquelles le secrétaire d’Etat chargé de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire, Lahcen Essaadi, a répondu lors d’un entretien accordé à ALM en marge de la 5ème édition des Assises nationales de l’ESS qui s’est déroulée les 17 et 18 juin 2025 à Benguérir.

ALM : Quel rôle joue l’économie sociale et solidaire (ESS) dans le développement local et la lutte contre la précarité au Maroc ?
Lahcen Essaadi : Un peu partout dans le monde, l’économie sociale et solidaire s’impose comme une véritable alternative économique. Elle vient compléter les initiatives des secteurs public et privé et intégrer les populations souvent en dehors des dynamiques de développement. Dans notre pays, l’ESS représente environ 2,5% du PIB et génère plus de 100.000 emplois. Le Maroc compte plus de 60.000 coopératives. Ce modèle économique a un impact particulièrement fort dans les zones rurales, où il offre aux femmes une opportunité de générer des revenus tout en se formant à des compétences clés, notamment en matière de production et de commercialisation. En ce sens, l’ESS joue un rôle central dans le développement local durable et inclusif.

Comment renforcer la participation des femmes et des jeunes dans les initiatives liées à l’économie sociale et solidaire ?

L’économie sociale et solidaire est profondément ancrée dans les traditions marocaines, comme en témoignent les pratiques communautaires telles que la « touiza » ou « tiwizi ». Ces initiatives permettent dans certaines régions d’effectuer la récolte agricole par exemple ou bien la valorisation de certains produits comme la transformation de graines d’argan en huile mais aussi la transformation des graines d’amandes en huiles naturelles. Ces formes de solidarité, particulièrement répandues en milieu rural, illustrent l’esprit de coopération qui fonde l’ESS. Pour renforcer la participation des femmes et des jeunes, il est essentiel de valoriser ces pratiques existantes tout en leur offrant un cadre structuré, notamment via la création de coopératives. La formation, l’accès au financement et l’accompagnement sont des leviers clés dans ce cas. Aujourd’hui, plus de 72.000 femmes sont déjà impliquées dans plus de 7.000 coopératives. Cette dynamique crée du développement économique, notamment dans les zones rurales où les femmes représentent une grande partie. Il n’est d’ailleurs possible d’intégrer les femmes rurales dans le développement économique qu’à travers ce type d’économie.

Quel est le cadre légal actuellement en vigueur pour les coopératives au Maroc?

Le Maroc a réalisé des avancées significatives dans le domaine juridique de l’ESS. Une direction dédiée à l’économie sociale et solidaire avait d’ailleurs été créée, rattachée aujourd’hui au secrétariat d’État chargé de l’économie sociale et solidaire. Elle a œuvré à l’élaboration de la loi relative aux coopératives qui a donné un nouvel élan à l’ESS en permettant aux coopératives d’accéder aux marchés publics. Cette loi a permis de leur faciliter le processus de création ainsi que de bénéficier de mesures incitatives financières et fiscales. Toutefois, pour répondre pleinement aux enjeux du secteur, prendre en compte les différents intervenants et accompagner sa structuration, la mise en place d’une loi-cadre s’avère désormais nécessaire.

Quelles mesures sont mises en place pour préserver les exportations marocaines d’artisanat, notamment vers les États-Unis, face à la hausse des droits de douane, sachant que ce pays est le premier client du Maroc dans ce secteur ?

L’exportation est encore relativement récente pour les artisans marocains, historiquement tournés vers le marché local et le tourisme. Néanmoins, ces dernières années, plusieurs entreprises ont réussi à percer sur les marchés internationaux et exporter des produits d’artisanat marocains. Les États-Unis, comme vous l’avez mentionné, sont en tête, suivis de la France et de certains pays asiatiques.
Dans le cadre de la nouvelle feuille de route dédiée à l’export, des mesures de soutien financier sont prévues pour aider les entreprises exportatrices à maintenir, voire développe, leur activité à l’international. Pour ce qui est des USA, le Maroc a des relations solides avec ce pays et nous avons aussi un accord de libre-échange. Et il est certain qu’avec le soutien financier que nous allons apporter aux entreprises exportatrices, celles-ci pourront garder leur dynamique d’exportation. Plus encore, elles pourront participer à améliorer le chiffre d’affaires des produits d’artisanat marocain à l’export.

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