Le Royaume accélère la cadence pour une mise en œuvre responsable de l’intelligence artificielle à travers une série de mesures. Les détails.
Une nouvelle politique marocaine concernant le déploiement de l’intelligence artificielle (IA) est en marche au Maroc. De la création d’une direction spécialisée à l’organisation d’Assises nationales, en passant par le renforcement de la coopération avec l’Afrique et le monde arabe, une véritable feuille de route est en cours de concrétisation. Cela dit, les responsables insistent sur un déploiement responsable, basé sur l’éthique et la transparence.
Dans ce sens, la ministre déléguée chargée de la transition numérique et de la réforme de l’administration, Amal El Fallah Seghrouchni, a plaidé, vendredi dernier à Marrakech, pour un déploiement responsable de l’intelligence artificielle fondé sur l’éthique, la transparence et la confiance. Intervenant à une session sur «L’intelligence artificielle et sa gouvernance : renforcer la surveillance réglementaire parlementaire», tenue dans le cadre du 3ème Forum parlementaire économique de Marrakech pour les régions euro-méditerranéenne et du Golfe, la ministre a souligné que l’IA, qui marque une rupture technologique majeure, offre un grand potentiel qui doit être mobilisé au service de l’intérêt général. Dans ce sens, Mme Seghrouchni a insisté sur l’urgence de renforcer le cadre législatif et réglementaire pour surveiller le développement de l’IA qui se déploie à une vitesse fulgurante dans tous les domaines.
Sans un cadre clair, transparent et contraignant, cette technologie risque de menacer les droits fondamentaux et la vie privée des gens, a-t-elle mis en garde, notant que sa gouvernance doit reposer sur des règles strictes et, surtout, sur une coopération étroite entre les pouvoirs publics, les entreprises, les chercheurs et la société civile pour faire face aux enjeux complexes qui y sont liés.
Vers une loi-cadre
La ministre a estimé nécessaire, à cet effet, d’instaurer un cadre juridique spécifique à l’IA qui définit clairement la responsabilité de chacun en cas de dérapage, de prévoir des audits techniques obligatoires et d’assurer la transparence des algorithmes et des modèles, en plus de garantir la protection de la vie privée face aux risques de la surveillance numérique. Les futures réglementations devront aussi intégrer les principes de transparence, d’équité, de sécurité et surtout de redevabilité (accountability), tout en s’appuyant sur les référentiels internationaux reconnus comme ceux de l’OCDE, de l’Unesco et de l’Union européenne, a-t-elle recommandé. Évoquant la dynamique que connaît le Maroc dans ce domaine, Mme Seghrouchni a souligné qu’à la faveur d’une vision Royale sage et clairvoyante, le Royaume s’est engagé, depuis plusieurs années, dans le chantier de la transformation numérique.
De nombreuses initiatives ont été menées dans ce sens, a-t-elle ajouté, citant la présentation d’un rapport sur l’intelligence artificielle à la Chambre des représentants, le rapport de l’institut royal des études stratégiques sur le même thème et l’adoption du Consensus de Rabat sur l’IA africaine, porté par l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Toutefois, et malgré un bon positionnement à l’échelle africaine en matière de technologies de l’information et d’accès aux données, le Maroc demeure peu visible dans les classements internationaux relatifs à l’intelligence artificielle, a déploré la ministre. Et de rappeler que son département a préparé, en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, un projet de loi-cadre sur l’intelligence artificielle qui fixe les principes fondamentaux, les obligations de conformité, les mécanismes de régulation et les garanties éthiques nécessaires pour un déploiement responsable de cette technologie sur le territoire national.
Maroc Digital 2030
Il y a quelques jours, Amal El Fellah Seghrouchni a indiqué que l’intelligence artificielle est une partie intégrante de la stratégie Maroc Digital 2030. En réponse à deux questions sur «l’intelligence artificielle» lors de la séance hebdomadaire des questions orales à la Chambre des conseillers, la ministre a souligné qu’une action est menée actuellement pour renforcer l’utilisation de l’intelligence artificielle en vue de développer les axes de cette stratégie et exploiter ses capacités dans les secteurs public et privé afin d’accompagner la digitalisation des services publics et contribuer à la promotion de l’économie numérique. A cet égard, Mme Seghrouchni a fait savoir que son département a supervisé cinq initiatives clés, dont la première est la création d’une direction spécialisée dans l’intelligence artificielle et les technologies émergentes au sein de la Direction générale de la transition numérique, chargée de mettre en place les politiques publiques dans le domaine des données nationales, de l’intelligence artificielle et des technologies émergentes.
Cette direction sera chargée d’élaborer des programmes, des projets et des mesures de mise en œuvre, de préparer le cadre législatif et réglementaire et les normes éthiques, outre la promotion de la recherche scientifique, de l’innovation et de la coopération internationale, en plus des missions de suivi et de veille, afin d’assurer une utilisation responsable et sûre de l’IA, a-t-elle ajouté. Une autre initiative concerne la signature d’une déclaration d’intention pour la création d’un pôle numérique régional arabo-africain sur l’IA et la science des données en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) afin de coordonner le développement de la digitalisation et de l’IA aux niveaux arabe et africain, a-t-elle poursuivi.
Le «Morocco Digital for Sustainable Development Hub», qui sera officiellement inauguré lors de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York en septembre prochain, sera une plateforme régionale de référence dans plusieurs domaines, notamment les technologies de la santé, le changement climatique, les énergies renouvelables, l’enseignement numérique, la cybersécurité, l’agro-technologie et les services financiers numériques, a précisé la ministre.
Initiatives
L’une des mesures lancées dans le cadre de la stratégie nationale concerne la création d’un réseau de centres d’excellence, les «Jazari Institue», pour développer des solutions numériques en utilisant l’intelligence artificielle, en tant que passerelles entre la recherche, l’innovation et les systèmes locaux dans les douze régions du Royaume et hubs d’innovation facilitant le lien entre les chercheurs, les startups, les industriels et les citoyens. Le Maroc compte également procéder au lancement de deux programmes nationaux de formation aux compétences en matière de numérisation et d’intelligence artificielle pour les jeunes talents (tranche d’âge entre 8 et 18 ans), notant que le premier programme bénéficiera à quelque 200.000 jeunes appartenant aux différentes instances de la Fédération royale marocaine de football et débutera par des projets pilotes au niveau des centres relevant de la FRMF et des centres de formation des clubs, avant de s’étendre aux tournois régionaux. Le deuxième programme vise à organiser des ateliers de formation dans différentes régions du Royaume au niveau des maisons de jeunes pour développer les compétences des enfants dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la numérisation et les associer au dynamisme de la transformation numérique que connaît le Maroc, tout en renforçant l’utilisation sûre et responsable des outils numériques, selon une approche globale et inclusive, a précisé la ministre.














