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Les oubliés de l’Histoire

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Les victimes du coup d’Etat manqué de Skhirat n’ont pas eu bonne presse. Personne ne parle de ceux qui avaient mis leurs plus beaux costumes ce 10 juillet 1971, et qui sont tombés sous les balles. Ils étaient trop près du pouvoir pour que les associations des droits de l’homme les défendent. Leur situation relevait trop de la paperasserie administrative pour exciter la verve des ONG. Et c’est ainsi que 100 familles, dont les chefs sont morts, se sont retrouvées pour la plupart sans ressources. L’Association des familles des victimes des événements de Skhirat (AFVES) monte au créneau pour réclamer que l’on rétablisse les droits des familles qui attendent depuis trente-deux ans que leur dossier soir réglé. Son président, Saâd Ghannam, nous a confié que Feu le Roi Hassan II avait pourtant demandé la création d’un Fonds d’indemnisation pour les familles des victimes, mais sa demande est restée lettre morte. Quant aux dédommagements à proprement parler, ils ont suffi à couvrir les frais d’enterrement et quelques broutilles, selon le président de l’AFVES. À peine 60 000 DH par famille et des pensions tellement misérables qu’elles ne permettent même pas d’acheter le strict minimum. Le cas le plus éloquent est celui des veuves. « Dans notre association, nous répertorions des personnes qui vivent dans la misère la plus totale. Il y en a qui logent dans des taudis. D’autres sont devenus cireurs de chaussure. Alors que si leurs parents étaient restés en vie, elles constitueraient aujourd’hui l’élite de la société marocaine », s’indigne Saâd Ghannam. Il donne des exemples très concerts des pensions. La veuve d’un colonel perçoit une pension mensuelle de 1500 DH. Et après avoir observé un moment de silence, il continue : «j’ai presque honte de parler de la pension de ma mère. Mon père était directeur du Centre Cinématographique Marocain. Il est mort à Skhirat. Ma mère a touché une pension mensuelle de 836 DH. Vous imaginez la situation dans laquelle on se serait retrouvé si l’on avait pas d’autres sources de revenus». Cette chance, toutes les familles des victimes de Skhirat ne l’ont pas eue. Pour mettre un terme à la précarité de leur situation, l’AFVES a rédigé un communiqué pour lancer un appel à SM le Roi Mohammed VI et lui faire part des doléances. Elle sollicite la Bienveillance du Roi au sujet « des indemnités conséquentes aux familles, la révision des pensions des veuves, la couverture médicale et sociale, un hommage à la mémoire des Martyres, et une priorité à l’emploi des enfants des victimes.» L’Association des familles des victimes des événements de Skhirat a été créée en 2000. Après l’indemnisation des détenus politiques, dont certains sont à l’origine de la perte des maris et des parents des victimes, un sentiment d’injustice s’est emparée des intéressés. Ils se considèrent comme les oubliés de l’Histoire. Mohamed Ziane, conseiller juridique de cette association, utilise des termes excessifs pour dénoncer «l’indemnisation de ceux qui ont fait le coup d’Etat de 1971.» «En leur donnant raison, on fait l’apologie du crime !» s’exclame-t-il. La virulence de ses propos s’explique sans doute par la précarité de certaines familles de l’AFVES. Car s’il est légitime d’indemniser ces familles, et si cette « indemnité est inéluctable » comme l’explique Saâd Ghannam, il ne faudrait pas que ce sujet tourne aux règlements de compte ou remue le couteau dans une plaie que tout le monde s’accorde à panser.

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