De 1,5 milliard, le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable pourrait être triplé et atteindre la moitié (5 milliards) de la population mondiale estimée dans 30 ans, selon une étude des Nations Unies. Les experts craignent même qu’elle devienne la principale origine de conflits régionaux étant donné que 269 rivières et fleuves sont actuellement partagés par au moins deux pays. Ce scénario catastrophe modifierait aussi largement le quotidien de la population qui dispose aujourd’hui de 6.600m3 d’eau par an (par habitant). Une moyenne qui a déjà été réduite de plus de la moitié depuis 50 ans et qui pourrait être réduite à 4.800m3 en 2025.
A la quantité s’ajoute également la qualité : 30.000 personnes, dont 6.000 enfants, meurent chaque jour de maladies liées à une eau polluée, de diarrhées, de choléra et de dysenterie notamment. Ce n’est donc pas pour rien que ce dossier a été placé en tête des priorités du Sommet de la Terre de Johannesburg. Mercredi, les délégués ont aussi dû constater le peu de progrès réalisés depuis Rio, en 1992 en matière d’accès à l’eau potable. Aujourd’hui, 2,4 milliards de personnes ne disposent toujours pas d’installations sanitaires décentes.
Le nombre de personnes desservies par de véritables égouts et canalisations a, selon l’ONU, seulement progressé de 4,1 milliards à 4,9 milliards. Mercredi, les représentants de l’Union européenne ont déjà annoncé le lancement, le 3 septembre, d’une «initiative européenne sur l’eau» visant la gestion intégrée des fleuves transfrontaliers d’ici 2005, notamment en Afrique. Les Américains ont aussi proposé un projet en collaboration avec l’UNICEF pour développer l’accès à l’eau potable au Ghana, au Mali et au Niger. Toutes ces initiatives, des «partenariats publics-privés», restent cependant isolées, tout comme le lancement mardi d’une campagne internationale WASH (Water, sanitation and hygiene for all) pour sensibiliser l’opinion et mettre les questions d’assainissement, d’hygiène et d’accès à l’eau potable sur l’agenda politique.
Lors des débats, la Banque mondiale a de son côté estimé que l’eau devait être «un catalyseur de la coopération» internationale, et que les pays étaient appelés à s’entendre pour tirer profit de leurs ressources communes. «L’eau (…) doit être utilisée pour mettre en place des projets de coopération (…), favoriser un développement économique qui mettrait fin aux conflits existants dans certaines zones», a ainsi déclaré Stephen Lintaer, conseiller technique à la BM. «Rien qu’en Afrique, on compte 60 cours d’eau internationaux, sans véritable identité ethnique ou culturelle. Le grand défi consiste à faire travailler ensemble les différentes populations concernées pour en tirer le plus grand bénéfice écologique, économique et politique», a insisté David Gray, directeur du département concerné à la BM.
La question de l’eau, comme celle de l’aide à l’agriculture des pays pauvres la veille, a cependant encore avancé à petits pas ce mercredi. Des lenteurs qui attisent les craintes quant à l’élaboration contrée du «plan d’action» final censé établir le calendrier des engagements internationaux dans les dix ans à venir. Mardi, seul le dossier de la pêche avait par exemple donné lieu à un accord sur la restauration des stocks de poissons à leur niveau maximal d’ici 2015.