Afrique. Le Maroc et la BAD ont pu construire au cours des dernières décennies un véritable modèle de développement intra-africain. Le point.
Infrastructures, énergie, mobilité…les exemples de coopération sont légion entre le Maroc et la BAD. Les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) sont une occasion pour faire le point. Dans ce sens, la ministre de l’économie et des finances, Nadia Fettah, a affirmé que le projet de Gazoduc Africain Atlantique, reliant le Nigeria au Maroc, offre une opportunité inédite d’intégration régionale. «Ce projet, qui est le fruit de la vision clairvoyante de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, pour une Afrique unifiée et prospère, permettra une meilleure allocation des ressources naturelles africaines en favorisant l’accès à l’énergie dans les pays qu’il traversera», a dit Nadia Fettah dans une interview accordée à la MAP, en marge des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) qui se tiennent jusqu’au 30 mai à Abidjan.
Dans le même sillage, l’Initiative Royale visant à faciliter l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique permettra le désenclavement de ces pays sans littoral, en les connectant à la façade atlantique du continent qui regorge de potentialités économiques énormes, a relevé Nadia Fettah. Selon la ministre, la construction d’un marché régional des matières premières transformées devrait être encouragée, en s’appuyant, notamment, sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), mais aussi sur d’autres grands projets panafricains qui stimulent le co-développement et le progrès commun.
Portefeuille
Le portefeuille actif des projets financés par la Banque africaine de développement (BAD) au Maroc est composé de 32 projets pour un engagement total de 3,2 milliards de dollars (Md$), a fait savoir la ministre de l’économie et des finances, Nadia Fettah. «Ce portefeuille actif fait l’objet d’un suivi très rapproché grâce, notamment, à des revues périodiques de sa performance globale qui permettent d’améliorer la qualité des projets en les adaptant à l’évolution des conditions économiques, tout en fournissant des orientations concernant la programmation des futures opérations de prêts et de dons», a précisé Nadia Fettah.
Le Maroc, membre fondateur de la BAD, figure parmi les premiers pays africains à avoir bénéficié de l’appui de la Banque et se place, aujourd’hui, à la tête de ses clients avec plus de 150 projets financés, a-t-il relevé. «Ces interventions couvrent des secteurs stratégiques tels que le transport, la protection sociale, l’eau et l’assainissement, l’énergie, l’agriculture, la gouvernance et le secteur financier», a soutenu Mme Fettah, soulignant que ce niveau d’engagement reflète la convergence stratégique et opérationnelle entre les priorités de développement définies par le Royaume et celles identifiées par la Banque dans le cadre de ses objectifs pour la transformation de l’Afrique et son développement. D’après elle, le soutien de la Banque s’est concrétisé ces dernières années à travers l’investissement dans des chantiers d’envergure, tels que le complexe solaire Noor Ouarzazate, l’un des plus vastes au monde, et le port Nador West Med, un hub stratégique pour le commerce maritime régional. «Le partenariat entre le Maroc et la BAD a également porté sur le domaine des infrastructures de transport, contribuant ainsi à renforcer la compétitivité du Maroc sur la scène africaine et internationale», a ajouté Nadia Fettah, rappelant que l’institution s’est engagée activement dans les secteurs sociaux, soutenant les réformes dans l’éducation, la santé et la protection sociale. Et de noter que les interventions de la BAD sont encadrées par le Document de stratégie-pays (2024-2029) – DSP – qui a été élaboré en étroite collaboration avec les autorités marocaines concernées.
Les actions prévues par ce DSP s’articulent autour de deux domaines prioritaires, à savoir le renforcement de la croissance inclusive par le développement des compétences, l’employabilité et l’entrepreneuriat et la consolidation de la résilience aux chocs exogènes par le développement des infrastructures durables, a-t-elle détaillé. «Pour les années à venir, nous allons poursuivre notre dialogue avec la BAD pour assurer une bonne mise en œuvre du DSP qui a pour objectif ultime de renforcer la croissance de l’économie marocaine et la rendre plus inclusive et plus résiliente aux chocs exogènes», a affirmé Nadia Fettah. Quant à la position du Maroc au sein de la BAD, la ministre a fait savoir que le Royaume, qui occupe l’un des 20 sièges du conseil d’administration, est classé parmi les premiers actionnaires de la Banque avec un droit de vote de 4,7%. «Cette position privilégiée permet au Royaume de participer au processus décisionnel au sein de la Banque, notamment pour les questions traitant de la situation financière de l’Institution à laquelle nous accordons une attention particulière», a-t-elle expliqué.
Nadia Fettah a fait remarquer que le Maroc a toujours plaidé pour la consolidation des fonds propres de la Banque afin qu’elle puisse s’acquitter pleinement de sa mission d’accompagnement des pays membres régionaux dans la réalisation de leurs objectifs de développement nationaux. «Le Maroc est un partenaire privilégié des initiatives lancées par la BAD pour promouvoir l’Afrique en tant que destination de choix pour les investisseurs internationaux», a-t-elle conclu.
Election
Le Conseil des gouverneurs de la Banque africaine de développement (BAD) se réunit à Abidjan pour élire un nouveau président à la tête de l’institution, après dix années de présidence de Akinwumi Adesina. Il s’agit d’un scrutin stratégique pour l’avenir économique du continent, dans un contexte marqué par des défis croissants et une compétition internationale féroce, qui définira l’orientation de la Banque pour les années à venir. En lice pour ces élections, qui se tiennent en marge de l’édition 2025 des Assemblées annuelles de la BAD, Amadou Hott (Sénégal), Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud), Sidi Ould Tah (Mauritanie), Samuel Munzele Maimbo (Zambie) et Abbas Mahamat Tolli (Tchad). Cette élection, qui se déroule à huis clos, verra les gouverneurs, généralement ministres des finances ou de l’économie des pays membres, voter à la majorité qualifiée.
Le poids politique des grandes puissances africaines, mais aussi celui des actionnaires non régionaux comme les États-Unis, la Chine ou les pays européens, jouera un rôle déterminant. Le futur président héritera d’un agenda lourd, au moment où le continent africain fait face à des tensions géopolitiques, une dette publique qui atteint des niveaux critiques dans plusieurs pays, sans oublier l’urgence climatique qui nécessite des investissements massifs dans les énergies renouvelables et les infrastructures résilientes.
Financements
Partenariats. L’autre grand défi est celui de la mobilisation des financements. La BAD est attendue pour jouer un rôle moteur dans la structuration de partenariats public-privé, la mobilisation des financements climat et la transformation des économies africaines pour les rendre plus autonomes et résilientes. Enfin, la gouvernance interne et la transparence de la Banque restent des sujets sensibles, notamment vis-à-vis de ses partenaires internationaux. Le prochain président devra faire preuve d’un leadership à la fois diplomatique, technique et politique. Alors que l’Afrique tente de redéfinir sa place dans le système financier international, cette élection prend une portée symbolique. Elle est l’occasion pour le continent de faire entendre sa voix, d’affirmer ses priorités et de montrer sa capacité à se gouverner selon des standards de transparence, d’efficacité et de vision stratégique. Le nom du nouveau président de la BAD devrait être annoncé dans les prochaines heures. Mais déjà, au sein des couloirs du siège à Abidjan, les tractations vont bon train. Une chose est sûre : cette élection déterminera en grande partie la trajectoire économique du continent pour les prochaines années.