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Mohamed Yatim : «Le gouvernement réagira de manière positive à toutes les propositions constructives»

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Entretien avec Mohamed Yatim, ministre de l’emploi et de l’insertion professionnelle

ALM : Plusieurs réunions ont été tenues avec les syndicats, que leur avez-vous présenté ?

Mohamed Yatim : Effectivement, plusieurs entrevues préparatoires ont eu lieu avec les partenaires sociaux, à savoir la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et les 4 syndicats les plus représentatifs (UMT, CDT, UGTM, UNTM) au sujet du projet de loi sur le droit de grève. Ces réunions s’inscrivent dans le cadre de l’accord du 25 avril, en vertu duquel le gouvernement et les partenaires sociaux s’engagent à se concerter sur le projet de ladite loi, avant soumission au Parlement pour étude et approbation. Conformément à une approche participative consultative entre le gouvernement et les partenaires sociaux, plusieurs réunions ont été tenues en présence des représentants du ministère de l’intérieur, du ministère chargé de la réforme administrative et de la fonction publique, ainsi que des responsables du ministère de l’emploi et de l’insertion professionnelle. Il est à mentionner que le chef de gouvernement, lors des premières rencontres du dialogue social, soucieux de créer un climat propice à sa réussite, a confirmé que le gouvernement est ouvert à la concertation avec les centrales syndicales, avant de lancer l’étude et l’adoption dudit projet par le Parlement. Personnellement j’étais invité par la commission des secteurs sociaux pour entamer l’étude et l’approbation du texte mais j’ai dû demander à la commission de reporter l’examen du texte pour ne pas nuire au processus du dialogue social et participer de notre part à créer un climat favorable pour avancer dans ce dialogue. Ces premières rencontres ont été consacrées au rappel des principaux axes du projet de loi et à la présentation des principes du Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail (OIT) à propos du droit de grève, un exposé sur la jurisprudence et le droit comparé, tout en exposant diverses expériences internationales dans le domaine de la légalisation liée à l’exercice du droit de grève (Allemagne, France, Portugal, Belgique…).

Où en sont vos discussions ?

Le processus de concertation vient d’être entamé. Nous avons demandé aux centrales syndicales de nous soumettre leurs observations par écrit. Nous avons reçu quelques-unes, d’autres ont été formulées au courant des premières rencontres citées. L’une des centrales syndicales maintient sa position incitant à retirer ledit projet de loi et renégocier tout à partir de zéro. Quant aux premières observations formulées, elles concernent les sanctions contre l’obstruction de la liberté, et l’abrogation des sanctions pénales ressortant de l’article 288 du code pénal. D’autres portent sur les délais de dépôt du dossier revendicatif, la médiation, les délais de préavis et le quorum relatif à l’assemblée générale des salariés qui doit être convoquée pour voter la décision de grève ainsi que le quorum et le pourcentage des votants. Nous sommes très attentifs aux observations constructives formulées et nous allons les étudier et retenir toutes celles qui vont dans le sens d’instaurer un équilibre entre le droit de grève et la liberté de travail conformément aux normes internationales.

Est-ce que le ministère est prêt à faire des concessions ?

A mon sens, il ne s’agit pas de concessions d’une part ou d’une autre. Il faudrait plutôt parler de collaboration et concertation entre partenaires et d’une bonne écoute de la part du gouvernement et de la part de l’institution législative, pour élaborer un texte assurant la meilleure formulation garantissant un équilibre entre le droit de grève en tant que droit constitutionnel et la liberté de travail en tant que droit à respecter des non grévistes Nous confirmons que cette ouverture à l’échange s’inscrit dans une approche participative visant l’appropriation et l’adaptation du texte de loi aux réalités socio-économiques et culturelles de notre pays. A cet effet le gouvernement réagira de manière positive à toutes les propositions constructives de la part de nos partenaires soit pendant l’étape de concertation avec les partenaires sociaux, ou lors de la délibération sur le texte à l’intérieur de l’institution législative.

Quels sont les principes prioritaires?

En reprenant les principes et les règles basiques recommandés par le comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail (OIT), comme ils étaient formulés dans un document de l’OIT intitulé «Principes de l’OIT sur le droit de grève», je cite notamment : Considérer le droit de grève comme un droit fondamental des organisations de travailleurs, le reconnaître de façon générale aux travailleurs du secteur public comme à ceux du secteur privé, distinguer entre les grèves de caractère purement politique et celles en lien avec la liberté syndicale, le vote de la décision de grève au scrutin secret. Parmi les autres principes, on notera le fait d’assurer un minimum de services en cas de grève, veiller au respect de préavis, privilégier les mécanismes de réconciliation, de médiation et de l’arbitrage administratif. Figure également l’interdiction de réquisitionner les travailleurs (de l’entreprise ou de l’institution concernée) en cas de grève dans les services essentiels ou dans des circonstances d’une extrême gravité, par exemple en cas de crise nationale aiguë. Il faut aussi signaler l’interdiction de recrutement de travailleurs pour remplacer les grévistes et considérer ce recrutement comme une mesure qui porte gravement atteinte au droit de grève et qui n’est admissible qu’en cas de grève dans les services essentiels ou dans des situations de crise nationale aiguë. Il faut aussi assurer une protection appropriée aux dirigeants syndicaux et aux travailleurs contre les mesures dont ils pourraient faire l’objet (licenciement ou autres mesures préjudiciables en matière d’emploi) pour avoir organisé des grèves licites ou y avoir participé; des procédures rapides, efficaces et impartiales devraient être prévues à cet effet, accompagnées de mesures de réparation et de sanctions suffisamment dissuasives.

Est-ce que le projet de loi les prend en considération ?

Une lecture attentive du projet permettra à n’importe quel observateur objectif de constater que le projet de loi en question tourne autour de ces principes et j’ invite les lecteurs et les observateurs neutres à faire cette lecture du projet à la lumière de ses principes élaborés par le BIT.

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