Mobilisation des composantes de la justice marocaine à la veille de l’entrée en application de la loi
C’est le compte à rebours pour l’entrée en application des peines alternatives par la justice marocaine. Après une attente qui a duré quelques mois depuis l’adoption par le Parlement du projet de loi, les juges marocains pourront dans quelques semaines seulement prononcer officiellement les premières sentences en la matière. C’est ce qui ressort des interventions des participants à une journée d’étude autour des peines alternatives. Organisé par le ministère public en collaboration avec le Conseil de l’Europe, à Rabat, l’événement a été marqué par la participation de M’hammed Abdennabaoui, président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), El Hassan Daki, procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public, Abdellatif Ouahbi, ministre de la justice, ainsi que le délégué général à l’Administration pénitentiaire et à la réinsertion, Mohamed Salah Tamek.
L’heure donc est à la mobilisation des parties prenantes. «Alors que le rôle du pouvoir judiciaire dans la mise en œuvre de la nouvelle loi débutera le 8 août prochain, le pouvoir judiciaire et les secteurs gouvernementaux directement concernés, à savoir le ministère de la justice et la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, travaillent actuellement à préparer les juges, les greffiers et le personnel pénitentiaire à la bonne mise en œuvre de la nouvelle loi. C’est pourquoi nous estimons nécessaire de souligner une fois de plus aux juges du Royaume que l’objectif du législateur en créant des peines alternatives est de les désigner comme une alternative aux peines de prison. Il n’y a donc aucun avantage à en tirer si elle est imposée à des personnes qui n’étaient pas initialement soumises à une peine privative de liberté», a affirmé le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) au cours de son intervention. «La mise en œuvre réussie de ces sanctions nécessite également l’implication de la société tout entière dans la question en acceptant le remplacement des peines privatives de liberté par des peines alternatives nouvellement élaborées.
La philosophie du législateur en édictant ces peines vise à remplacer l’emprisonnement, qui devrait être réservé aux cas où une peine alternative est inefficace. Dans tous les cas, l’évaluation d’une nouvelle législation nécessite une période de temps suffisante pour tester son application, acquérir l’expérience nécessaire et mener des études appropriées pour comprendre les forces et les faiblesses du texte juridique, ainsi que la manière dont il est appliqué. Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire sera parmi les autorités et des organismes chargés de suivre et d’effectuer cette mission», a ajouté la même source. Et de conclure : «Le texte a été adopté pour être mis en œuvre. C’est aujourd’hui le moment de l’assimiler et de préparer sa mise en œuvre. J’appelle les honorables juges et tous nos partenaires à coopérer davantage afin que nous soyons prêts le 8 août à mettre en œuvre la loi n° 43.22».
Préparatifs
Les autorités préparaient au cours des derniers mois la mise en œuvre de ces peines alternatives. Dans ce sens, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, avait présidé, jeudi 3 avril 2025 à Rabat, une réunion consacrée au suivi du plan de mise en œuvre de la loi 43.22 relative aux peines alternatives, qui entrera en vigueur au mois d’août prochain. Cette loi s’inscrit dans le cadre du parachèvement de la mise en œuvre du chantier de la réforme du système judiciaire, que SM le Roi Mohammed VI entoure de Sa Haute Sollicitude. Cette réunion avait permis de faire le point sur l’état d’avancement de la préparation du projet de décret pour l’application de la loi relative aux peines alternatives, qui sera soumis dans les meilleurs délais au Conseil de gouvernement, ainsi qu’à l’examen des moyens techniques, humains et matériels et du programme d’action pour assurer la mise en œuvre des dispositions de la loi. Lors de cette réunion, le Chef du gouvernement avait rappelé le contenu des discours royaux et des lettres royales appelant à adopter une nouvelle politique pénale découlant de la révision et de l’harmonisation de la loi et du code de procédure pénale, dans le sens de leur accompagnement des évolutions. Il a relevé que le recours aux peines alternatives dans notre pays survient après l’étude d’une série d’expériences comparées, en veillant à respecter les spécificités de la société marocaine, afin que ces peines puissent réaliser les effets escomptés.
Le Chef du gouvernement a exprimé ses remerciements à l’ensemble des départements concernés, qu’il a appelés à assurer les conditions de réussite de ce chantier, affirmant que le gouvernement déploiera l’ensemble des moyens nécessaires pour l’accompagnement de sa mise en œuvre. Il est à noter que la loi 43.22 relative aux peines alternatives entend accompagner les évolutions que connaît le monde dans le domaine des libertés et des droits publics, permettre aux bénéficiaires d’accéder à une qualification et à l’insertion au sein de la société et contribuer à alléger la problématique de la surpopulation carcérale et à rationaliser les dépenses. Elle exclut les délits dont les peines de prison dépassent 5 années fermes, ainsi que les cas de récidive dans lesquels ne se réalise pas l’effet de dissuasion requis. Les peines alternatives se composent de 4 types que sont : Les travaux d’intérêt général, la surveillance électronique, la restriction de certains droits ou l’imposition de mesures préventives, qualifiantes ou curatives, et les dispositions relatives aux jours-amende.
Concept
Parquet. Les peines alternatives incarnent l’évolution du concept de la peine pour devenir un moyen de rééducation et de discipline au lieu d’être un vecteur de dissuasion, avait affirmé, fin avril à Rabat, le Procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public, El Hassan Daki. Intervenant lors de la rencontre nationale de communication autour de la loi n° 43.22 relative aux peines alternatives, organisée par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, M. Daki avait indiqué que la mise en œuvre optimale des mesures ou des peines alternatives constitue un indicateur de l’efficience et de l’efficacité de la justice pénale en matière de lutte contre le crime. Il s’agit également de sensibiliser le contrevenant à la gravité de son forfait sans pour autant se sentir exclu de la société à travers l’application des peines alternatives telles que stipulées par la loi, avait-il expliqué. Cette rencontre, organisée sous le thème «La justice au service de l’insertion : lecture pratique dans les processus d’application des peines alternatives», intervenait dans le cadre de la préparation du pouvoir judiciaire à la mise en place des conditions garantissant une mise en œuvre fluide des nouvelles dispositions de cette loi, traduisant ainsi l’évolution positive de la politique pénale au Maroc, a relevé le président du ministère public. La loi n° 43.22, qui a apporté une série d’alternatives aux peines privatives de liberté, constitue un moyen pour les individus ayant enfreint la loi de revoir leurs comportements dans l’optique d’accomplir leur rôle au sein de la société, avait noté M. Daki.