Cela fait presque une centaine de jours que le gouvernement Benkirane est formé. C’est l’occasion pour des responsables des partis de l’opposition de débattre, lors d’une conférence-débat, tenue jeudi 5 avril à Tanger, du bilan gouvernemental. Organisée par HEM Tanger, cette rencontre a constitué aussi une opportunité pour les intervenants pour faire part de nouveaux programmes et orientations menés au sein de leurs partis respectifs. Selon Moncef Belkhayat, membre du bureau exécutif du Rassemblement national des indépendants (RNI) et président de l’Alliance des indépendants (ADI), les dernières élections législatives qui ont permis au Parti de la justice et du développement (PJD) d’occuper la première position ont abouti à la mise en place d’une véritable transition démocratique. «Ces élections transparentes ont permis aussi de créer deux grands pôles. L’un conservateur constitué majoritairement par le PJD et le parti de l’Istiqlal (PI), et l’autre démocrate et moderniste composé des partis de l’opposition que nous représentons», affirme-t-il, faisant rappeler que l’actuel gouvernement est formé par les quatre grands partis, à savoir le PJD, le PI, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) et le Mouvement populaire (MP), mais «dans la perception des Marocains seul le PJD gouverne».
Les intervenants ont souligné, lors de cette conférence-débat, l’importance de l’actuelle opposition constitutionnelle et réitéré leur respect du choix démocratique des citoyens, mais sans oublier de formuler des critiques contre certaines décisions gouvernementales dont l’élaboration du projet de loi de Finances. «Nous sommes en train de vivre une période historique et un changement sociétal, basés sur deux choses principales : le respect des règles de la démocratie, qui constitue le socle de la nouvelle Constitution approuvée le 1er juillet 2011 par plus de 90% des votants et le choix du modernisme, au sens large du terme, qui est irréversible», explique Samir Belfkih, professeur universitaire et membre du conseil national du Parti authenticité et modernité (PAM).
Les intervenants ont tenu aussi à faire part de l’engagement de leurs partis respectifs représentés à l’opposition à aider le gouvernement pour qu’il réussisse à remplir son mandat. Dans une démocratie réelle, «l’on ne peut se passer des élections et encore moins de l’opposition dont le rôle est évolutif et dynamique», précise M. Belfkih, avant d’ajouter que pour cela le gouvernement est appelé à être «compétent, solidaire et homogène». Intervenant à cette occasion, Mehdi Mezouari, parlementaire représentant l’Union socialiste des forces populaires (USFP), a évoqué les grandes étapes ayant marqué la vie politique de son parti depuis son entrée en mars 1998 au gouvernement avant de choisir, à l’issue des dernières élections, de rejoindre l’opposition. «Notre classement au cinquième rang était un message clair des citoyens pour ne pas revenir à la gestion gouvernementale», dit-il, faisant remarquer que le choix de l’USFP de rejoindre «l’opposition est pris suite à des concertations avec des militants du parti».
Les intervenants ont mis l’accent sur la nécessité de renforcer l’implication des jeunes et des femmes dans le jeu politique. Ils ont ainsi salué l’élection de Nabila Mounib comme secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU), la seule formation politique de l’opposition ayant boycotté le dernier scrutin législatif. «C’est la première fois dans l’histoire du Maroc qu’un parti politique élit une femme à sa tête», souligne Ayman Marzouki, représentant du PSU.
De son côté, Driss Benali, analyste politique et économiste et professeur universitaire, a abordé la question de la crise de l’élite et de l’idéologie que connaît le Maroc. Il a souligné que le Royaume qui vit actuellement une crise de confiance généralisée possédait dans les années 50 et 60 une des meilleures élites politiques du tiers-monde. «Mehdi Benbarka, Abderrahim Bouabid, Allal El Fassi, Abdelkhalek Torrès,… étaient des gens d’un grand charisme et au fort leadership», dit-il, faisant remarquer que les personnalités politiques actuelles sur le terrain ne disposent pas d’autant de charisme leur permettant de mieux renforcer «leur popularité et de galvaniser les foules».