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Vers un nouveau palier de croissance : Les clés du redécollage économique selon Bank Al-Maghrib

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Pour un redécollage réussi, M. Jouahri définit trois priorités que l’action publique devrait  engager : renforcer la résilience face aux chocs ; rehausser l’agilité pour naviguer dans un contexte de forte incertitude ; et préserver la stabilité macroéconomique.

Nouvel élan : Dans son rapport présenté devant le Souverain, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, a mis en avant l’importance de réformes structurelles ambitieuses et d’une mobilisation collective pour renforcer la résilience, l’agilité et la stabilité macroéconomique du pays.

« Malgré la complexité accrue de l’environnement externe et l’accentuation de la contrainte climatique, les données récentes laissent entrevoir un saut qualitatif de l’économie nationale vers un nouveau palier de croissance et de création d’emplois». C’est en ces termes que Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, a conclu sa présentation, mardi 29 juin, devant le Souverain, du rapport annuel de la Banque centrale. Pour M. Jouahri, les conditions sont réunies pour la réussite de ce nouvel élan. Citons en premier une vision Royale claire et ambitieuse déclinée en chantiers d’envergure. A cela s’ajoutent les instruments de mise en œuvre cohérents et l’image positive et favorable que revêt le Maroc au niveau international. «Reste que toutes les forces vives du pays doivent mieux s’organiser et se mobiliser pleinement pour le déploiement et l’aboutissement de cette vision, d’autant plus que d’ici 2030, le pays fera face à de grandes échéances, parmi lesquelles les Objectifs de développement durable, de nombreux plans et stratégies sectoriels, mais également l’organisation de la Coupe du monde de football», explique M. Jouahri.

Et d’ajouter: «Cela étant, le véritable enjeu est de faire de cette échéance un catalyseur et un levier pour maintenir le momentum au-delà de cet horizon et permettre ainsi à notre pays de se hisser parmi les catégories de revenu supérieur». Dans sa présentation devant le Souverain, le wali de Bank Al-Maghrib a mis en avant la résilience notable affichée par l’économie marocaine au cours de ces dernières années. Ces performances, saluées à plus grande échelle, sont portées par la stabilité du Royaume, sa sécurité et sa crédibilité. Toutefois M. Jouahri a appelé à davantage de prudence en raison des nombreuses vulnérabilités internes qui persistent et des multiples menaces exogènes qui pèsent sur les perspectives. Pour un redécollage réussi, M. Jouahri définit trois priorités que l’action publique devrait engager. Il est ainsi question de renforcer la résilience face aux chocs, de rehausser l’agilité pour naviguer dans un contexte de forte incertitude et de préserver la stabilité macroéconomique, prérequis fondamental pour une croissance durable.
Pour une réponse structurelle aux chocs

S’agissant du renforcement de la résilience face aux chocs, M. Jouahri a mis l’accent sur le changement climatique et ses effets sur la performance économique. « Les efforts déployés pour le développement des infrastructures pour l’atténuation et l’adaptation sont certes nécessaires, mais la politique publique devrait également agir sur la demande», affirme Abdellatif Jouahri. Et d’ajouter : « Au-delà des campagnes de sensibilisation et des restrictions occasionnelles, une gouvernance efficiente, aussi bien au niveau central que local, s’impose, impliquant en particulier une politique de tarification appropriée qui reflète la rareté de la ressource et qui tienne compte des différences de pouvoir d’achat des ménages et de la capacité contributive des agriculteurs». Sur le plan économique, M. Jouahri a interpellé quant à la fragilité engendrée par la fragmentation du tissu productif qui reste largement dominé par les TPE, dont une grande partie opère dans des activités informelles de faible valeur ajoutée et peu compétitives. Pour M.Jouahri, le renforcement de ce tissu requiert la promotion de l’esprit de l’entrepreneuriat, l’institutionnalisation de l’encadrement et du suivi notamment des TPE, ainsi que la poursuite de l’amélioration du climat des affaires sur tous les volets. «En particulier, les efforts devraient être intensifiés en matière de lutte contre la corruption, un domaine où les performances de notre pays en comparaison internationale demeurent insuffisantes, et contre la concurrence déloyale de l’informel, une problématique fréquemment soulignée par les entreprises», souligne le gouverneur de la Banque centrale.

Réformes et régionalisation à renforcer

En ce qui concerne le rehaussement de l’agilité, il suppose, selon M.Jouahri, en premier lieu une forte capacité à réagir et à réajuster les choix en fonction de l’évolution du contexte. La nécessité étant de prendre des décisions fondées sur des données actualisées, un suivi étroit de la mise en œuvre et une évaluation régulière des résultats obtenus. A cela s’ajoute également la mise en place de structures indépendantes d’évaluation. «L’agilité requiert également une décentralisation de la prise de décision. Dans ce sens, le déploiement de la régionalisation avancée a franchi de grandes étapes, mais comme l’a souligné Votre Majesté lors des deuxièmes Assises nationales, ce chantier continue d’être entaché de lacunes et de retards qui compliquent les procédures administratives d’investissement», peut-on relever de Abdellatif Jouahri. Et d’ajouter: «Il conviendrait donc, comme il ressort des recommandations de cette rencontre, d’accélérer ce projet sur de nombreux volets, dont la mise en œuvre effective de la charte de déconcentration administrative et le renforcement des compétences locales en matière de promotion et d’accompagnement de l’investissement productif notamment au niveau des centres régionaux d’investissement». Sur le plan des équilibres macroéconomiques, il conviendrait, selon M. Jouahri, d’accélérer les projets de révision de la loi organique des Finances et la mise en place d’une règle budgétaire.

Bien qu’ils aient permis le maintien du rythme de réformes et d’investissement, M. Jouahri estime que les financements innovants ne sauraient constituer un choix de long terme dans la mesure où des recettes additionnelles durables ne peuvent provenir que d’une expansion de l’assiette ou de l’activité économique. Le wali de Bank Al-Maghrib a également souligné l’urgence de la mise en oeuvre de la réforme des retraites. «Un chantier urgent qui mérite d’être hissé parmi les priorités de l’agenda gouvernemental», a-t-il insisté. Le wali de Bank Al-Maghrib a par ailleurs souligné que la pression sur les ressources publiques émane également des efforts engagés pour bâtir un Etat social. «L’aide directe, mise en place dans le cadre de la généralisation de la protection sociale, absorbe des ressources conséquentes, estimées à plus de 24 milliards de dirhams en 2024», explique-t-il. Et d’ajouter : «Sa soutenabilité requiert un mécanisme de financement durable et un alignement avec son objectif final, celui de l’autonomisation de la population en difficulté». Pour éviter qu’elle ne se transforme en programme d’assistanat, le gouverneur de la Banque centrale appelle à une réévaluation régulière des critères d’éligibilité afin d’améliorer l’efficacité du ciblage. Il est également question de réaffirmer le caractère temporaire du statut de bénéficiaire et de favoriser ainsi la transition vers l’emploi productif.

Vers une préservation de la stabilité macroéconomique

Parmi les défis énumérés par Abdellatif Jouahri, on cite la préservation de l’équilibre entre le maintien de la politique d’ouverture engagée par le Maroc et la volonté de protéger ses industries. « En ce qui concerne plus particulièrement les métiers mondiaux du Maroc, une attention accrue s’impose pour la consolidation des acquis», assure M. Jouahri. Et de préciser que « la dépendance de certaines filières industrielles à un nombre limité de grands opérateurs étrangers, la transition de l’industrie automobile vers l’électrique, ainsi que le resserrement des normes en matière de contenu carbone, sont quelques-uns des défis auxquels les autorités et les opérateurs sont appelés à faire face». Au plan des investissements directs étrangers, le véritable enjeu pour Abdellatif Jouahri réside dans les effets d’entraînement de ces investissements sur la croissance et l’emploi. Pour l’amélioration du contenu local de l’offre exportable, le wali de Bank Al-Maghrib recommande de renforcer l’implication des opérateurs privés et des fonds d’investissement nationaux, en particulier le Fonds Mohammed VI.