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Abdelali Benamor : «La justice est au centre du processus d’émergence du Maroc»

© D.R

ALM : Dans son discours du Trône, marquant le 9ème anniversaire de son intronisation, SM le Roi a placé la réforme de la justice à la tête des priorités. Pourquoi la justice aujourd’hui ?
Abdelali Benamor : Tous les forces vives de la Nation se sont mises d’accord sur la nécessité d’adopter un certain nombre de choix de société. Deux choix fondamentaux sont à retenir. Le premier concerne les libertés dans le sens universel du terme. Cela veut dire démocratie, libertés individuelles et collectives, liberté de pensée … Le deuxième choix concerne le mode de fonctionnement socio-économique de la société. Apparemment, tout le monde est d’accord sur l’économie de marché, avec deux éléments explicatifs complémentaires. Premièrement, il s’agit de réguler les débordements du marché pour pouvoir tenir compte de la dimension sociale. Deuxièmement, il s’agit de récompenser le mérite et la créativité. Il ne s’agit pas d’égalitarisme lorsqu’on parle de justice sociale, d’autant plus qu’il faut constituer une épargne qui permet l’investissement et la production. Voilà ce que je peux dire sur les deux choix de société qui sont consensuels actuellement. A partir de là, surgit la question de l’organisation de l’Etat pour pouvoir se situer dans le cadre de ces choix. Jusqu’à présent, le monde n’a pas inventé mieux que trois pouvoirs totalement indépendants les uns par rapport aux autres. Le premier pouvoir est le Législatif qui a pour tâche de mettre en place les lois en mesure d’aller dans le sens des choix de société dont on a parlé. Le deuxième pouvoir est l’Exécutif qui a pour mission d’appliquer ces lois en faisant preuve d’imagination, et d’innovation, de la pratique des choses. Le troisième pouvoir est le Judiciaire qui doit rendre justice à tous les membres de la société en fonction des deux choix fondamentaux évoqués et en application des lois qui ont été votés par le pouvoir législatif. Si l’un de ces trois pouvoirs n’est pas indépendant vis-à-vis des autres, ou s’il fonctionne mal, tout le système est détraqué. Or, le système judiciaire fait partie de ces trois pouvoirs outre le fait que ces deux autres pouvoirs (législatif et exécutif) doivent être revus dans le sens positif du terme. La question de la justice soulève de gros problèmes chez nous, d’où l’intérêt porté par SM le Roi Mohammed VI à ce secteur, au-delà d’autres choix fondamentaux comme l’Education. La justice a deux fonctions fondamentales. La première consiste, d’abord, à préserver les individus et les groupes contre toute injustice, de quelque nature qu’elle soit, que ces injustices viennent de personnes ou d’institutions civiles de la société, ou que ces injustices viennent de l’Exécutif lui-même. La deuxième fonction, qui est intimement liée à la première, consiste à créer les conditions de sécurité et de confiance qui permettent à ceux qui entreprennent et qui créent, de produire des richesses et à toutes les composantes de la société d’en bénéficier de façon juste, sans parler d’égalitarisme, comme je l’ai dit au départ. Et si la justice ne fonctionne pas, comment voulez-vous que l’émergence économique du pays soit déclenchée et, par la même occasion, les fruits de cette croissance soit distribuée de façon juste ? Voilà pourquoi la justice est au centre du processus d’émergence à côté de la question de l’Education nationale et de la gouvernance en général. Autrement dit, la réforme a plusieurs dimensions. On ne peut toucher une dimension sans agir parallèlement sur les autres.

Le Souverain a évoqué le concept de «sécurité judiciaire » en parlant de cette réforme. Que veut dire, exactement, ce nouveau concept ?
Créer les conditions de confiance et de sécurité pour ceux qui agissent dans la société, qu’ils soient producteurs, consommateurs, ou travailleurs.
Il s’agit d’assurer la sécurité et la confiance à tous les acteurs. Si, dans un contexte donné, j’ai peur de l’autre parce que la justice ne fonctionne pas, et de l’Etat, parce qu’il peut y avoir des abus de pouvoir, comment voulez-vous que je me sente d’abord libre ? Comment voulez-vous, également, que, par mon dynamisme, je contribue à l’enrichissement de la société ?

Malgré une conjoncture économique internationale difficile, le Maroc a pu tenir bon. Comment expliquez-vous cela ?
Malgré les difficultés économiques mondiales, le Maroc semble résister. Mais résister ne signifie pas qu’on avance comme on l’aurait souhaité. Le pays a besoin d’un certain nombre de réformes de base si on veut passer du stade de la résistance à celui de l’émergence.

Voilà une décennie que la réforme de l’éducation nationale est à l’ordre du jour. Qu’est-ce qui empêche ce secteur de vraiment décoller ?
En tout âme et conscience, on a fait des efforts. Mais si le résultat n’est pas probant, c’est parce qu’il y a des lignes rouges qu’on n’ose pas franchir. Il s’agit, d’abord, de la langue du pays, de l’orientation sélection, de la question de la gouvernance et de la décentralisation réelle … Chacune de ces grandes questions soulève de gros problèmes qu’on n’arrive pas à trancher.
SM le Roi a lancé un nouvel appel d’ouverture à l’adresse de l’Algérie. Comment interprétez-vous cette initiative ?
Le discours royal a été très positif. Maintenant, si vous voulez que je vous donne un avis personnel sur la question du Sahara, sur la perception du pays au niveau international, et sur les capacités du pays à drainer avec force les moyens de croissance, la meilleure solution consiste à accomplir les réformes dont on a parlé pour que le Maroc devienne un exemple de la région en termes de démocratie, de justice, d’éducation …
Et vous verrez que le qualitatif l’emportera internationalement sur le pétrole.   

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