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Abderrazzak Zitouny : «Mohammed Khaïr-Eddine méritait un hommage»

© D.R

ALM : Tout d’abord comment s’explique le choix des textes de feu Mohammed Khaïr-Eddine?
Abderrazzak Zitouny : L’univers littéraire de Mohammed Khaïr-Eddine s’est révélé pour moi d’une richesse incroyable et fait étroitement écho à mes préoccupations de metteur en scène, aussi bien d’un point de vue de la définition de notre langage que d’un point de vue intentionnel. Le désir de prolonger et d’approfondir cette rencontre avec l’auteur par ce projet de création me permettrait d’entrer à la fois davantage dans son œuvre, et en même temps, de partager cette expérience avec un large public, de l’amener à s’approprier des textes qui lui sont proches par l’universalité de leur propos. Quoi de plus universels que ces mouvements de révolte qui nous agitent au moment d’entrer dans la vie et dans l’âge adulte. Par-delà les frontières, mettre en scène des fragments de textes de Khaïr-Eddine, c’est mettre en scène les débats de chacun avec les débuts de sa vie. Je voudrais donc, par cette création librement inspirée des textes de Khaïr-Eddine, investir le territoire d’une œuvre qui me touche au plus près, et par la même, redonner à quelques scènes de Khaïr-Eddine leur ouverture maximale, ouverture que seule la rencontre avec l’Autre peut faire sentir.  Je souhaite donc que le montage de ces fragments de textes de Khaïr-Eddine et les fragments de sa vie d’errant trouvent échos les uns dans les autres et qu’ils puissent se répondre, se confronter par leurs thématiques et esthétiques respectives. C’est pourquoi, nous poursuivons cette exploration autour de la thématique Errance-Exil.

Pouvez-vous nous donner un aperçu sur cette nouvelle expérience ?
 J’ai souhaité concentrer mon travail sur quelques scènes tirées de l’œuvre de Mohammed Khaïr-Eddine, essentiellement empruntées à ses écrits : Agadir, Moi l’aigre, Le Déterreur, Une odeur de mantèque, Légende et vie d’Agoun’chich, Soleil arachnide qui traitent de cette thématique de l’exil et de l’errance mais aussi de la mort du corps, du rapport à l’Autre, à l’écriture et aux rapports humains d’une certaine jeunesse en révolte… A travers un travail sur les textes de Khaïr-Eddine, je voulais révéler cette quête physique, cette obsession du départ, de l’évasion. Au–delà du travail nécessaire de compréhension du sens du texte, il faudrait parvenir à ce que les comédiens le disent et le subissent physiquement. Nous avons essayé de trouver des gestes et des mouvements individuels et collectifs qui permettent de traduire sur scène cette tension du corps Khaïr-Eddinien.  Le spectacle est conçu comme une sorte de voyage immobile où les voix, les corps et les chants viennent prolonger la poésie des mots afin de faire sentir l’Ailleurs, l’Etranger, la transe de l’Errance ; l’impacte de la Rencontre.

Comment avez-vous choisi les passages et ouvrages sur lesquels s’est focalisé votre travail?
Dans un premier temps j’avais lu tous les ouvrages de Mohammed Khair–Eddine et c’est à travers de mes lectures et recherches que mon choix s’est fixé sur certains des passages qui allaient être intégrés par la suite dans cette expérience.

Quels sont les éléments scéniques intégrés dans cette expérience ?
C’est pourquoi nous souhaitons représenter une scénographie de deux espaces distincts, un parti pris qui pourra par la suite être détruit, vu notre désir de mélanger et d’inverser ces mêmes espaces. Principe inhérent à l’écriture de Khaïr-Eddine lui-même insolite partisan de la dialectique de la construction-déconstruction. Un premier espace, dans un coin de la scène séparé par une grande baie vitrée ou plastifiée,  représente l’espace où évolue le personnage de Khaïr-Eddine. Lieu où  ce personnage se pose et peut être témoin, tout comme le public, de ce qui se passe dans l’autre espace. Ce mur transparent sépare symboliquement le lieu du jeu, du récit avec celui du réel. Mais cette séparation peut aussi être à tout moment pulvérisée. Le second espace est celui du « jeu », de l’imaginaire, du ludique. Il est constitué d’un premier élément focal : l’arbre de l’arganier, élément scénographique  représentant à la fois cette idée d’enracinement liée à l’espace «sudique» et en même temps un espace de déroulements de rituels, lieu de mémoire… Cet arbre sera matérialisé dans sa fonction la plus poétique et décalée. Une série d’objets (manipulables, déplaçables  empilables…) qui représentent le monde du réel mais en fragments meublera également cette espace. Ce choix d’objets et d’éléments est tiré essentiellement du texte. Par exemple : des galets, une machine à écrire, du sable, la roue de l’amour, du sang, des valises, un lampadaire, objets métalliques, des livres …C’est par l’utilisation détournée ou réaliste de ces objets que les interprètes réussissent à faire voyager le spectateur dans des espaces, aussi différents que variés, proposés dans le texte. C’est comme s’ils se servaient de ce qui leur tombe sous la main pour inventer et imager un récit, jouer leur scène, leurs événements dans des rapports ambivalents de refus et de revendications.

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