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Abou Dhar Al-Gifary (2)

Dans chaque ville où il allait, avec chaque émir qu’il rencontrait, il avait sur ses lèvres cette devise: «Annonce à ceux qui ammassent l’or et l’argent qu’ils auront des cautères de feu, avec lesquels leurs fronts seront cautérisés, le Jour de la résurrection». Cette devise, sa devise, devint tellement célèbre que les gens la reprenait toutes les fois qu’ils le rencontraient dans la rue.
A Damas, où Mouâwiya b. Abou Soufyan était le gouverneur qui gérait à sa guise les biens de la communauté musulmane, Abou Dhar mit à nu la gestion scandaleuse qui ne profitait qu’aux riches. Dans ses réunions avec les petites gens, il dit entre autres: "Cela m’étonne! Celui qui ne trouve pas quoi manger chez lui, pourquoi ne sort-il pas avec l’épée brandie?» Puis, se rappelant le conseil du Messager (ç), il abandonna le discours guerrier pour revenir au discours raisonnable basé sur les arguments. Il parla de la justice sociale, de l’égalité entre les hommes et des devoirs de l’émir. Son activité devint dangereuse pour les émirs, lorsqu’il fit un débat public avec Mouâwiya. Ce jour-là, Abou Dhar dit à Mouâwiya ses quatre vérités. Il lui rappela sans crainte sa fortune d’alors et celle qu’il avait avant de devenir gouverneur, sa maison qu’il avait à la Mecque et les palais qu’il possédait alors en Syrie. Ensuite, il s’adressa aux compagnons devenus riches qui étaient assis: «Etes-vous ceux qui ont accompagné le Messager, pendant que le Coran descendait sur lui? Oui, c’est vous qui étiez présents alors que le Coran descendait…».  Puis, il revint à la charge, pour poser la question : «Ne trouvez pas dans le Livre de Dieu :
• Ceux qui thésaurisent l’or et l’argent, sans en faire dépense sur le chemin de Dieu, annonce-leur un châtiment douloureux
• pour le jour où l’or et l’argent portés au rouge dans le feu de Géhenne leur brûleront le front, les flancs, le dos : «Voilà ce que vous avez thésaurisé pour vous-mêmes. Savourez donc ce que vous thésaurisiez.» (s.9, v. 34-35).
Mouâwiya intervint, pour dire: «Ces versets ont été révélés à propos des Gens du Livre. «Mais, Abou Dhar répliqua: «Non! ils ont été révélés pour nous et pour eux.» Puis, il continua à conseiller Mouâwiya et ses semblables de remettre les fermes, les palais et tous les autres au Trésor public…
Après le débat, Mouâwiya envoya au khalife Othman une lettre, dans laquelle il se plaignit en ces termes: «Abou Dhar a corrompu les gens en Syrie.»
Alors, Othman convoqua Abou Dhar à Médine. Celui-ci rentra effectivement et eut avec le khalife un long entretien, à la fin duquel il dit: «Je n’ai pas besoin de votre monde.»
Puis, quand Othman l’invita à rester près de lui, à Médine, Abou Dhar demanda la permission de se retirer à ar-Rabdha. Il eut cette permission. A ar-Rabdha, il reçut la visite d’une délégation venue d’al-Koufa. On lui demanda de diriger la révolte contre le khalife. Mais lui les mit en garde contre une telle action, avec des mots très clairs: «Par Dieu! si Othman me crucifie sur la plus longue planche ou sur une montagne, j’écouterai et j’obéirai et je patienterai… S’il me renvoie chez moi, j’écouterai et j’obéirai et je patienterai…»
A méditer cette réplique, on comprend qu’Abou Dhar était resté respectueux du conseil du Messager (ç). Par ailleurs, il resta durant toute sa vie le regard braqué sur les fautes commises par les fortunés et les détenteurs du pouvoir. Il détesta tellement le poste de responsabilité et la fortune qu’il préféra éviter ses compagnons devenus responsables.
Une fois, Abou Mousa al-Achâry se précipitant à le rencontrer, en lui disant: «Bienvenue à mon frère!», Abou Dhar lui répliqua sèchement: «Je ne suis plus ton frère! je l’étais avant que tu ne deviennes un émir.»
A une autre occasion, il se comporta de la même façon avec Abou Hurayra. A ce dernier, il avait dit: «Laisse-moi tranquille! n’es-tu pas celui-là à qui on a donné le poste d’émir, si bien que tu es devenu propriétaire de constructions, de bétail et de terres cultivées.»
En outre, quand on lui proposa l’émirat d’Irak, il répondit: "Par Dieu! non. Vous ne m’attirez jamais par votre ici-bas.»
Un jour, un compagnon à lui le vit avec un vêtement très ancien. Il lui dit: «N’as-tu pas un autre vêtement? Il y a quelques jours, j’ai vu dans tes mains deux vêtements nouveaux?
– O fils de mon frère, répondit Abou Dhar, je les ai donnés à quelqu’un qui en a plus besoin que moi.
– Par Dieu, tu en as très besoin, fit remarquer le compagnon.
– Mon Dieu! pardonne-lui. Toi, tu magnifies l’ici-bas! Ne vois-tu pas cette burda que je porte? Et puis, j’ai une autre pour la Prière du vendredi. Et puis, j’ai une chèvre dont je trais le lait et une ânesse qui me sert au transport. Y a-t-il un bienfait meilleur que celui que nous avons?». En rapportant des hadiths du Messager (ç), il avait dit une fois : «Mon ami m’a recommandé sept choses…
• m’a ordonné d’aimer les pauvres et d’être proches d’eux.
• m’a ordonné de voir celui qui est en-dessous de moi et de ne pas voir celui qui est au-dessus de moi.
• Il m’a ordonné de ne rien demander à personne.
• Il m’a ordonné de préserver les liens de parenté.
•  Il m’a ordonné de dire la vérité même si elle est amère.
• Il m’a ordonné de ne craindre le reproche de personne, en vue de Dieu.
• Il m’a ordonné de dire beaucoup: "Il n’est de force et de puissance que par Dieu."»
Abou Dhar avait bien façonné sa vie suivant ce testament si bien qu’il devint la conscience de sa communauté. Voici justement le témoignage de l’imam Ali à son sujet : "A part Abou Dhar, il ne reste aujourd’hui aucun qui, en vue de Dieu, ne craint pas le reproche de personne». Durant toute sa vie, il fut un opposant opiniâtre de l’exploitation du pouvoir et de la monopolisation des richesses. Il vécut toujours en tant que bâtisseur du droit chemin. Une fois, il avait dit: «Par celui qui détient mon âme dans sa main! si vous déposez le sabre sur mon cou, et que je pense avoir le temps de dire un mot que j’ai entendu du Messager, avant de me le couper, je dirai ce mot sans hésiter (un seul instant).» Le jour de sa mort, il était seul avec sa femme à ar-Rabdha, le lieu qu’il avait choisi pour y résider, à la suite de son conflit avec le khalife Othman. Sa femme était assise près de lui, les larmes aux yeux. Pour la consoler, il lui dit : «Pourquoi pleurer, alors que la mort est un droit?
Je pleure, parce que tu vas mourir, alors que je n’ai pas de linceul pour t’y ensevelir, dit-elle. Calme-toi, reprit-il, ne pleure pas. J’ai entendu le Messager (ç) dire alors que j’étais chez lui avec un groupe de compagnons: "Un d’entre vous mourra dans une terre déserte, mais un groupe de croyants assisteront à sa mort." Tous ceux qui étaient présents à cette réunion-là sont morts au milieu d’une communauté. II ne reste que moi et me voilà en train de mourir dans un désert. Surveille la route. Un groupe de croyants va arriver…»
Puis, il rendit l’âme. Par Dieu! il avait dit vrai. Voilà au loin une caravane qui se profilait. Abdallah b. Masaoud était parmi les caravaniers. A la vue là-bas d’une dame et d’un enfant près d’un corps étendu, il réorienta sa monture. Les autres firent comme lui. Dès qu’il arriva, il reconnut vite le corps inerte de son compagnon. Il fondit alors en larmes, avant de se rapprocher de la dépouille. Puis, il dit: «Le Messager de Dieu a dit vrai. Tu marcheras seul, tu mourras seul, et tu seras ressuscité seul.» Le Messager (ç) avait dit cela lors de l’expédition de Tabouk, en l’an 09 de l’Hég., c.-à-d. vingt ans avant ce jour-là. Lors de ce déplacement, Ahou Dhar était resté loin derrière l’armée musulmane, à cause de son faible chameau, si bien que son absence avait été remarquée. Puis, après s’être convaincu de l’incapacité de sa monture à continuer le voyage, il avait repris le chemin, à pied. II avait alors rattrapé ses compagnons le lendemain, quand ces derniers s’étaient arrêtés pour une pause. Lorsque le Messager (ç) l’avait vu s’avancer seul, il avait dit: «Dieu accorde sa miséricorde à Abou Dhar! il marchera seul, il mourra seul et il sera ressuscité seul.»

 
• «Des hommes autour du Prophète»
Khalid Mohammad Khalid
Traduction : Abdou Harakat
Ed. Dar Al-Kotob Al-Ilmiyah
Beyrouth, 2001 – 224 pages


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