L’ère du douanier répressif est bel et bien révolue. Abdellatif Zaghnoun le martèle haut et fort. Invité mardi 27 mars 2007, lors de la deuxième édition de «Les Petits Déjeuners de l’Excellence», événement mensuel organisé par le quotidien Aujourd’hui Le Maroc, le directeur général de l’Administration des Douanes et Impôts Indirects a passé en revue les nouvelles missions de l’institution qu’il dirige depuis l’année 2004 : celui d’accompagnateur de l’entreprise marocaine vers la compétitivité. Un travail complexe, qui revêt à la fois une dimension fiscale, économique et sécuritaire mais qui ne pouvait être mené à bon port qu’une fois la Douane elle même rassurée sur les conséquences des accords de libre-échange et des différents processus de démantèlement tarifaire sur ses comptes.
En la matière, l’ADII a fait plus que résister avec, rappelle son directeur général, «des recettes en hausse de 6,5% par rapport à 2005 et de 8% par rapport aux prévisions inscrites dans la loi de Finances correspondante». De seulement 37 milliards en 2002, ces recettes ont déjoué toutes les projections pessimistes émises sur le démantèlement tarifaire en se hissant à 53 milliards en 2006. Et pour autant, il ne s’agit pas pour la Douane de se tresser des lauriers, perçoit-on dans l’exposé de M. Zaghnoun, lequel fait de l’accompagnement de l’entreprise son principal objectif.
Accompagner l’entreprise
C’est pour faciliter la vie aux opérateurs économiques que la loi de Finances 2007 a pris plusieurs mesures pour faciliter les procédures. Autrefois source de complications, les fameux RED (Régimes Economiques en Douane) ont été aussi revisités pour plus de souplesses. Concernant le port de Tanger Med, des procédures spéciales sont adaptées en vue de réduire l’attente. Avec le CNCE (Conseil national pour le commerce extérieur), il est question d’un guichet unique virtuel. A ces procédures différenciées, s’ajoutent les nombreux accords signés avec l’AMITH (Association marocaine de l’industrie du textile), l’APEBI (professionnels de l’électronique et de l’informatique) pour notamment permettre «la régularisation du passif avec des conditions avantageuses». Avec la CGEM, des pistes de coopération sont actuellement en étude sur différents volets dont la réforme tarifaire. En 2006, un groupe de sept conventions a été signé au profit d’une soixantaine d’entreprises.
Généraliser la catégorisation
Autre signe d’ouverture de l’ADII, le volet «catégorisation des entreprises». Jusque-là réservée à la seule famille des exportateurs, cette mesure sera étendue à tous les opérateurs nationaux sur des critères bien définis et consultables sur le site de l’ADII. Des 156 demandes de catégorisation reçues par les services d’Abdellatif Zaghnoun en 2006, 29 ont reçu un avis favorable. Ce terme de catégorisation englobe un référentiel, une démarche de classification et qui comporte un audit préalable de la part de l’entreprise elle même. Classé A, B, l’opérateur peut bénéficier suivant son rang de certains nombres d’avantages. De plus en plus informatisés (avec un taux de 95%), les services de la Douane s’appuient désormais sur l’électronique. Exemple, 15 000 paiements électroniques ont été effectués en 2006 grâce à des conventions signées avec certaines institutions de la place dont la BMCE.
Equilibre entre facilitation et sécurisation
Cette mission d’accompagnement de l’entreprise marocaine vers la compétitivité ne serait pas complète si elle n’englobait pas la lutte contre la surfacturation et la contrebande. Sans trop s’appesantir sur les origines, le directeur général de la Douane indique qu’en 2006 le redressement sur valeur s’est élevé à 1,4 milliard de dirhams soit 674 millions de dirhams en droits et taxes additionnels. Dans le même registre, 52 millions de cigarettes de contrebande ont été saisies en 2006 contre 45 millions en 2005. S’ils font plaisir aux opérateurs économiques, ces prouesses de la Douane ne trouvent leur sens, insiste une nouvelle fois M. Zaghnoun, que dans l’impératif d’accompagnement de l’entreprise marocaine. «Nous devons pour cela assurer la sécurité de la chaîne logistique, en veillant à garantir l’équilibre entre la facilitation et la sécurisation», rappelle le lauréat de l’EMI avec toute cette rigueur si particulière aux ingénieurs.
Réduire les délais des séjours portuaires
Après un exposé détaillé des différentes réalisations de l’ADII, le directeur général de cette institution a été interpellé par les opérateurs, nombreux dans la salle, sur des thèmes précis comme le délai de séjour des marchandises dans les enceintes portuaires. Un problème dont M.Zaghnoun est conscient. «Il y a une distinction à faire entre le délai de dédouanement qui n’excède pas quelques heures et la durée de séjour de marchandises dans le port qui est de 12 jours. Pour réduire cela, la coopération de tous les services concernés est nécessaire».
Autre problème qui tient à cœur les industriels, les Droits d’importation, prévus aboutir à un maximum de 25% de différentiel entre le droit commun et le taux nul dévolu aux Européens. Ecart excessif, à entendre un opérateur qui s’inquiète d’une polarisation des échanges. La Douane semble avoir pris les devants puisque la réflexion est engagée dans ce sens avec la Banque mondiale en partenariat avec la CGEM.
Les nouvelles missions de la Douane
Avant de prendre congé de l’assistance, Abdellatif Zaghnoun déroule les objectifs de 2007. Déjà un rendez-vous pris, fin avril 2007, pour le début du dédouanement sur Internet. Cette procédure concerne la déclaration et le suivi de toute la chaîne jusqu’au stade de paiement de droits et taxes. En la matière, le Maroc rattrape et dépasse la Tunisie dont l’expérience de «dédouanement à domicile» a fait l’objet d’une question assez circonstanciée. «Le dédouanement à domicile existe aussi au Maroc, au niveau d’un certain nombre d’opérateurs, dans leurs usines ou leurs sites de stockages. C’est un élément qui entre dans notre stratégie de gestion de proximité», réplique M. Zaghnoun. Aux notaires désireux de connaître le niveau de préparation de l’ADII par rapport à la loi contre le blanchiment d’argent, la réponse est aussi toute claire : «habitués déjà à lutter contre la contrebande et les stups, nous sommes concernés par ce projet», répond M. Zaghnoun, qui cède la parole à Mme Khadija Chami, directrice de la Prévention et du Contentieux : «le décret d’application du texte de loi contre le blanchiment d’argent va permettre d’apporter des clarifications importantes, notamment avec l’unité centrale de renseignement financier».
Augmentation des recettes
Du reste l’ADII est déjà sur place, bien en jambes comme le témoigne cette augmentation des recettes, intervenue alors que les barrières douanières sont en baisse. Il ne s’agit pas d’une anomalie, réplique Abdellatif Zaghnoun à Khalil Hachimi Idrissi, président de la séance : «le démantèlement ne porte que sur 25% des recettes. Il y a le gros du contingent formé par la TVA à l’importation et les redevances. A titre d’exemple, les impôts taxables ont augmenté de l’ordre de 10%». Une progression qui surprend le corps notarial présent en nombre et qui ne s’attendait pas du tout à une telle embellie.
ALE et fraudes
En gros, M. Zaghnoun exhorte les siens à rester vigilants tout en accompagnant les entreprises. Dans ce cadre, comment contrôler les règles d’origine et gérer certains problèmes comme l’épisode de l’importation de lait en provenance des Emirats Arabes Unis ? s’interroge Omar Dahbi, rédacteur en chef d’ALM. En la matière, la religion de M. Zaghnoun est tout aussi simple, épousant d’ailleurs celle du tribunal administratif : «le fait de procéder à un simple conditionnement et d’ajouter des additifs ne confère pas les conditions appliquées aux règles d’origine». La messe était dite. «Il y a des défis importants aujourd’hui et demain. Dans un monde aussi ouvert, nous n’avons pour seul choix que le travail dans la rigueur et l’engagement», explique M. Zaghnoun qui exhorte les douaniers d’intégrer cette logique dans leur approche.
47 000 journées-hommes de formation en une seule année
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