Une petite grotte sacrée baignant dans la mer. La Hamma de Sidi Mansour est située sous les falaises de l’une des plus belles plages d’Asilah qu’on appelle, ici, Lalla Rahma. Durant l’été, les visiteurs, qui viennent admirer ce beau paysage ou solliciter la Baraka de la Hamma, se font plus nombreux que d’habitude.
Cet espace sacré se situe au pied de la tour Krikia et fait partie de l’un des plus beaux sites historiques et touristiques de la ville. Les touristes et les visiteurs de ce monument historique ou de la belle plage des rochers, qui ne connaissent pas encore les lieux, seront surpris par les rituels que suivent les femmes.
Pour éviter les curieux et pour ne pas se faire surprendre par un proche ou ami, les habitués de ce lieu sacré choisissent de s’y recueillir à la première heure du matin ou au coucher du soleil. Les visiteurs de la Hamma sont composés surtout de femmes et de jeunes filles, originaires d’Asilah et d’autres régions avoisinantes. «C’est une voisine, native de la ville d’Asilah, qui m’a conseillée d’emmener ma fille aînée à la Hamma. Elle m’a affirmée que la majorité des jeunes filles de sa famille et de son entourage ont réussi à se marier grâce aux pouvoirs surnaturels de ce lieu. J’accompagne ma fille pour qu’elle suive à la lettre toutes les formules recommandées pendant la visite de la grotte. C’est un exercice un peu compliqué qui exige beaucoup de concentration», confie Slama, une sexagénaire de la ville de Larache qui accompagnait sa fille Ouafa, 32 ans, licenciée en droit et qui n’a toujours pas trouvé de travail. Ouafa souhaite que cette visite soit bénéfique et qu’elle lui permette de décrocher un emploi afin qu’elle puisse aider financièrement ses parents.
L’histoire de la ville d’Asilah a toujours été marquée par la Hamma. «Le terme Hamma a un rapport avec l’eau. Ce type de lieux se trouve, d’ailleurs, dans d’autres régions côtières au Maroc. L’Andalousie compte trois Hamma. La légende indique que les Hamma sont généralement des lieux hantés par des jins comme Lalla Aïcha. Ce qui leur permet de posséder des pouvoirs surnaturels», explique Mohammed Bouânani, poète et journaliste ayant réalisé plusieurs émissions et reportages sur la mer à Asilah.
Pour M. Bouânani, la Hamma de Sidi Mansour connaissait, déjà dans le passé, une grande affluence pendant la période estivale. Et cela continue donc, puisque les estivants joignaient ainsi «l’utile» à l’agréable. «Elles viennent solliciter la baraka de la Hamma, tout en profitant de la beauté de la plage. Ce site est un lieu de prédilection pour les familles et surtout les femmes qui veulent se baigner loin des regards des curieux», précise-t-il. Et de poursuivre que les familles se rendaient souvent sur le site la Hamma pour formuler leurs vœux. «Les jeunes filles, qui souhaitent se marier, apportent les bougies et le henné. La femme stérile apporte un coq et laisse, au terme de sa visite, un sous-vêtement, un foulard ou un bout de tissu d’un vieux vêtement sur ce lieu».
Un peu plus loin, toujours à la plage de Lalla Rahma, se trouve un autre espace : la Hamma juive. Isolée, elle s’épargne l’agitation du site historique de la Tour de la Krikia. Cet endroit était fréquenté, autrefois, par des jeunes filles et des femmes juives. A présent, elle devient de plus en plus fréquentée par les femmes et les jeunes filles zaïlachies, ainsi que celles des autres villes et régions avoisinantes. Les consignes à suivre au cours de la visite de ces lieux sont presque les mêmes.
Généralement, ces visites sont conseillées par les voyantes ou de vieilles femmes prétendant avoir vécu ou vu «des miracles réalisés par les pouvoirs de ces Hammat». Pour la visite à la Hamma de Sidi El Mansour, la jeune fille vient généralement en compagnie de sa mère ou quelques femmes de sa famille ou de son entourage. Les you you retentissent, dès l’arrivée des pèlerins. Des chants à la gloire du prophète et de Dieu viennent ensuite envahir l’ambiance. Cette visite n’est pas de tout repos pour la jeune fille. Elle doit d’abord entrer dans une embrasure et sortir d’une autre. Les deux accès se trouvent en haut de la falaise. La jeune fille doit, ensuite, effectuer sept tours autour de l’une de l’embrasure. Puis, elle accède à la grotte en empruntant la porte principale, allume les bougies et disperse un peu de henné dans les coins de la Hamma. La jeune se lave avec l’eau de sept vagues avant de se couvrir les mains et quelques parties du cops par le henné. Elle quitte, ensuite, la Hamma pour se rendre à la maison. Mais, ce n’est pas fini : elle doit emprunter un autre trajet que celui de sa venue pour arriver sur ce lieu sacré.
Pour la Hamma juive, les rituels sont presque les mêmes. Sauf que sa visite doit prendre fin par une douche dans le cimetière juif.
La Hamma de Sidi El Mansour a marqué les habitudes des habitants des quartiers avoisinant ce lieu sacré. La plupart d’entre eux se rappellent même de l’ambiance encore plus festive qui régnait sur la plage Lalla Rahma. «C’était un moussem continu, les you you ne s’arrêtaient jamais et il y avait des familles rurales et pauvres, des familles citadines et riches qui affluaient à ces lieux», racontent-ils. Mais aujourd’hui, plusieurs admettent n’avoir jamais cru aux pouvoirs surnaturels de la Hamma. Bien que plusieurs membres de leurs familles et de leurs proches aient trouvé satisfaction. «Je connais de jeunes filles qui se sont mariées juste après leur visite à la Hamma. Une cousine, originaire de Tanger et qui a eu des difficultés à garder sa grossesse malgré plusieurs traitements, a accouché normalement d’une charmante petite fille juste après avoir accompli le rituel. Elle a maintenant deux filles âgées de 9 et 6 ans», révèle Anissa, femme au foyer habitant rue Sidi Tayeb.
Entre hasard et imaginaire, l’écart ne peut être mesuré. Le plus important reste l’apaisement psychologique et dans cela la Hamma d’Asilah rend bien des services.