Les premiers considèrent la circoncision, localement dénommée " Thara ", comme une fête pour la famille, donnant lieu à des réjouissances en l’honneur du petit circoncis. La veille, la famille organise un banquet pour les invités, voisins, proches et amis, agrémenté par une soirée au cours de laquelle les femmes battent du tambour, chantent et dansent, éventuellement avec le concours d’un orchestre moderne.
Avant le coup d’envoi de la cérémonie, l’enfant porte un costume traditionnel local généralement de couleur rouge foncé, incrusté de fils dorés ( Majboud ), un Fez (Tarbouche) et des babouches, ou une Djellaba blanche avec tarbouche et babouches. On aide ensuite l’enfant à monter à cheval, avec l’assistance d’un adulte qui le tient devant lui, au milieu d’un cortège formé de proches et voisins. L’ensemble sillonne quelques grandes artères de la ville, au rythme de la musique d’une troupe folklorique " Ghaita " et de youyous et danses de jeunes filles.
Après le retour au domicile familial, une cérémonie est organisée au cours de laquelle du henné est appliqué sur les mains et les pieds de l’enfant dont une jambe sera entourée d’un fil portant un coquillage et quelques débris de plante " harmel ", enroulés dans un morceau de tissu.
L’ambiance festive se prolonge jusqu’à une heure tardive de la nuit, ponctuée, chez certaines familles, de " laghrama ", une espèce d’offrande au profit de l’enfant, qui consiste en des dons en espèces collectés et déposés sur un plateau par une femme, qui décline, à haute voix, le montant versé et le nom du donateur.
Tôt le matin, la famille prépare des mets à base de farine tels " Es-saffa ", " Lemsemmen ", ainsi que des dattes et du lait destinés à être servis aux invités, avant l’arrivée du " Hajjam ", l’homme chargé de la circoncision.
Avant l’ablation du prépuce de l’enfant, la mère se met un anneau de cheville (khelkhal) au pied droit, qu’elle dépose dans une écuelle remplie d’eau, tout en plaçant un de ses bracelets en or entre ses mâchoires et mordant dessus. C’est à ce moment que les femmes se livrent à des fredonnements pour hausser le moral de la mère et l’aider à dépasser cette épreuve difficile que doit franchir son fils.
Juste avant que le " Hajjam " n’entame l’opération de circoncision, on procède généralement au lâcher d’une colombe devant l’enfant pour qu’il la suive des yeux, dans son vol, et tromper ainsi sa vigilance avant qu’il ne se rende compte du subterfuge.
Circoncis, l’enfant sera bien entouré et assisté pour surmonter l’épreuve, cadeaux et confiseries à l’appui. Après un moment de repos, il est permis l’entrée des proches pour le combler de félicitations et de donations.
Dans la plupart des cas, une circoncision d’enfants issus de parents démunis ou de ceux des gens tirant mauvais augure de la célébration d’un tel événement s’ensuit. Les sceptiques estiment, en effet, que cette célébration peut être un porte-malheur pour l’enfant ou ses parents. Dans ce cas de figure, c’est l’une des femmes du voisinage qui a recours à ce qui est appelé " Al Khouna " (rapt), consistant à s’emparer spontanément de l’enfant, à l’insu de sa mère, et à l’emmener pour être circoncis chez les familles en fête. Ce phénomène d’ " Al khouna " est aussi de mise lors d’opérations de circoncision organisées par des institutions et associations de bienfaisance. Le but recherché est de dispenser ainsi de cette charge la famille de l’enfant bénéficiaire, et la rendre heureuse avec l’espoir de la célébration des fiançailles de son enfant, une fois grandi, en guise de compensation de ce dont il a été privé par les croyances à savoir : la célébration de sa circoncision.
Tayeb Oumass
MAP