ALM : Votre chanson « Partir loin » avec le groupe 113 connaît un énorme succès. Quel en est le secret ?
Réda Taliani : Dans toutes mes chansons, j’essaie toujours de traiter des sujets réalistes inspirés du quotidien. Je pense que ce critère joue un grand rôle et provoque un impact chez les jeunes. Loin de ce que tout le monde pense, la chanson « Partir loin » ne traite pas directement de l’immigration. En fait, cela raconte l’histoire d’un chef d’entreprise qui gère mal sa société. Ses employés le vivent mal et en souffrent. Le protagoniste parle de vouloir obtenir des facilités dans d’autres pays.
Vous dites être influencé par Cheb Khaled, pourtant, vous prônez un raï très populaire. Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce style ?
Je ne suis pas intéressé par le raï typique. Cela ne sert à rien de reprendre le patrimoine musical, qui est l’œuvre des anciens. Je préfère montrer ce que je sais faire plutôt que de me contenter des reprises. Influencé par Cheb Khaled ou par d’autres noms de la chanson ne signifie pas que je dois imiter leurs styles. En réalité, j’aime composer mes propres musiques et écrire mes textes qui sont inspirés, comme je l’ai dit, de la vie quotidienne.
Dans vos chansons, vous racontez des histoires parfois tristes. Avez-vous vécu l’une de ces histoires ?
Mes chansons ne sont pas des autobiographies. Je ne raconte jamais ma vie dans mes œuvres musicales. Dans «Joséphine », par exemple, tout le monde croyait que la chanson racontait mon histoire. Ils sont allés jusqu’à croire que j’étais un immigré en Italie et que Joséphine était ma petite amie.
Je vis tellement dans mes chansons qu’on a l’impression, quand on m’écoute, que je raconte ma propre vie. Mais cela, finalement, me fait plaisir, parce que cela veut dire que j’ai bien interprété le rôle. Lorsque j’écris mes chansons, cela ressemble à un scénario. Je me transforme moi-même en un acteur qui entre dans la peau d’un personnage. Le quotidien nourrit ma créativité.
Je peux être inspiré également après une discussion entre amis ou en observant un fait de société que ce soit dans mon pays natal, l’Algérie, ou dans mon pays de résidence, la France.
Vous partez régulièrement en Algérie. Ne rencontrez-vous pas des problèmes particuliers dans la distribution de votre musique ?
Je me rends au moins deux fois par an en Algérie. J’ai toute ma famille là-bas et je n’ai aucun problème à m’y rendre. Tout le monde me connaît chez moi. J’ai passé une période difficile qui a duré huit ans.
J’ai travaillé, dans les cabarets, dans les restaurants, avant de me propulser aux devants de la scène et de bénéficier de la renommée actuelle. Je suis invité dans les plateaux télé et je m’exprime librement.
Plusieurs de vos chansons sont accessibles facilement sur le net en téléchargement illégal. Cette situation ne vous dérange-t-elle pas ?
Tant que cela se passe dans des pays où il n’y a pas de véritable organisation et démocratisation de la culture, je le tolère. Il n’y a pas une stratégie qui puisse protéger l’artiste et satisfaire en même temps les auditeurs. Je pense, personnellement, et je l’ai toujours dit, que tant que mon public arrive à écouter ma musique, peu importe qu’il paie ou pas. L’essentiel, c’est que mon œuvre puisse arriver aux oreilles des auditeurs. Je sais également que ceux qui sont piratés font de la bonne musique et c’est réconfortant. Loin d’encourager le piratage, je pense juste qu’il faudrait trouver un autre moyen de diffuser la musique pour éviter d’être poursuivis.