Le premier noyau de l’encadrement humain, civil, a été par conséquent celui constitué par le corps des gouverneurs, tous les gouverneurs du Royaume. En effet, aussitôt congé pris de Sa Majesté le Roi, une véritable machine, certes restreinte, s’est mise en œuvre pour accomplir une mission immense.
Les gouverneurs devaient, dès leur retour dans les préfectures et provinces, procéder à l’inventaire de produits et matériels disponibles au niveau de leurs commandements respectifs et pouvant servir à la Marche Verte. Cet inventaire, effectué sous des prétextes appropriés et subtils, a concerné :
– Les produits de consommation existant dans le commerce et dans les usines de fabrication tels que : la farine, l’huile, le sucre, les dattes, les conserves, les bougies, les allumettes, les bouteilles de gaz butane, le savon, etc.
– Les moyens de transport : cars et camions.
– Les moyens d’hébergement et d’équipement des marcheurs : tentes et couvertures.
Le secret qui entourait cette tâche ne pouvait que la rendre plus ardue, d’autant plus que l’échange d’écrits ou de communications, par radio et télex, était rigoureusement exclu.
La transmission des directives du centre vers les régions, la collecte des renseignements sur l’évolution de la mission des gouverneurs territoriaux et la coordination de leurs actions étaient assurées à travers des contacts et des réunions nocturnes animés quotidiennement et différents points du territoire national par des gouverneurs exerçant au service central, lesquels devaient effectuer la nuit de longs périples et se trouver chaque jour aux heures de
service dans les bureaux au ministère de l’Intérieur à Rabat, pour n’éveiller aucun soupçon. «Que le secret soit gardé par six ou sept personnes, cela est déjà pas mal, que de là on le porte au nombre de trente, c’est déjà encore mieux, mais que pendant douze jours plus de soixante personnes aient été mises dans le secret et que rien n’ait filtré, alors là c’est le miracle». Le deuxième noyau de l’encadrement civil devait être constitué par des contingents d’agents et d’auxiliaires d’autorité (700 au total) sélectionnés dans toutes les préfectures et provinces: ces 700 agents furent convoqués au ministère de l’Intérieur et avisés qu’ils étaient choisis pour un stage de recyclage et de perfectionnement en rapport avec leur carrière administrative.
Ils furent acheminés vers une école à Benguerir, près de la ville de Marrakech, pour recevoir une formation accélérée, axée sur le civisme, le patriotisme, l’organisation et l’encadrement des masses ; leur stage s’est déroulé dans le secret.
A leurs questions sur les raisons de leur isolement, sur l’originalité de la formation qui leur était dispensée ainsi qu’aux appréhensions que certains d’entre eux ressentaient sur leur avenir, ces fonctionnaires n’eurent de réponse que lorsqu’ils écoutèrent, en même temps que le peuple marocain et le monde entier, le discours prononcé par Sa Majesté le Roi Hassan II à 18h 30, le 16 octobre 1975, sur l’organisation de la Marche libératrice du Sahara. C’étaient ces sept cents agents qui devaient fournir l’ossature d’encadrement pour l’accompagnement de la Massira (la Marche). Immédiatement après l’annonce officielle de la Marche bénie, un véritable plan, connu au préalable sous la haute direction de Sa Majesté le Roi et gardé secret, a été alors mis en branle. Il concernait la mise en œuvre de toutes les structures qui devaient constituer l’encadrement civil complet de la Marche Verte, depuis l’inscription des volontaires jusqu’au retour des marcheurs chez eux, en passant par leur départ vers le Sahara, leur stationnement sur les lieux de campement et leur franchissement historique et héroïque des frontières factices qui divisaient leur patrie. Ce plan englobait plusieurs commissions.
• D’après «Les documents du Sahara»