Si Gandhi était vivant, il aurait certainement décoré Ratan Tata, l’homme qui est rentré dans les anales de l’Histoire comme l’inventeur de la voiture la moins chère au monde. La Nano, puisque c’est d’elle qu’il s’agit et dont tout le monde parle actuellement, vient ainsi prouver au monde entier qu’il est possible de concevoir une voiture encore plus accessible que ce qui existe déjà en matière d’autos low-cost. Le jour de sa révélation mondiale, le patron de Tata a expliqué qu’il en avait marre de voir ses concitoyens rouler en famille sur des motos «le père conduisant avec, assis devant lui, son enfant, et derrière lui, sa femme portant un bébé dans ses bras». Voilà donc, comment a mûri l’idée presque saugrenue d’une voiture qui coûte le prix d’un bon téléviseur LCD de 42 pouces. En effet, annoncée à 1.700 roupies, soit 1.700 euros, la Nano est bien la «voiture du peuple» du troisième millénaire. Longue de 3 mètres, elle est d’équipement minimaliste et modestement tractée par un bicylindre (624 cm3) de 33 chevaux, qui ne l’emmène pas plus qu’à 80 km/h, mais ne «Sniffe» en moyenne que 3,8 l d’essence aux 100 km. En revanche, l’idée de croire qu’elle serait peu polluante est absurde. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que la population de l’Inde dépasse le milliard d’habitants, puis d’imaginer ces milliers de Nano évoluant quotidiennement à 15 ou 20 km/h dans les rues embouteillées de Bombay, Delhi ou Calcutta. Les rejets en CO2 atteindront des pics désastreux et présenteront un risque environnemental potentiellement énorme pour ce pays où la verdure et les vaches sont sacrées. Il faut donc se rendre à l’évidence. La Nano est certes une auto vraiment accessible, mais non sans imperfections. Par ailleurs, les observateurs sont unanimes: le pari commercial de la Nano est loin d’être gagné d’avance. D’abord, parce qu’il ne sera pas si évident pour Tata (et ses futurs partenaires) d’écouler les 250.000 Nano qui seront produites chaque année. Cela, même si l’exportation de ce modèle vers des pays émergents est prévue. Ensuite, parce que l’auto a de maigres chances de débarquer sur les marchés à gros volumes de vente. Ceux du Vieux Continent par exemple laissent difficilement entrer chez eux les modèles qui ne répondent pas aux normes sécuritaires et anti-pollution élaborées dans le cadre de la législation européenne. L’exemple de certaines voitures chinoises en est une jolie preuve. Et justement, dans un marché aussi potentiel que la Chine, la Nano aura du mal à se frayer un passage au milieu d’une offre nettement plus compétitive localement. Alors, cette Nano : Ersatz ou révolution de l’automobile ? Un peu les deux. Tout comme les deux extrémités sur lesquelles Tata Motors joue remarquablement au yo-yo. D’un côté, le géant indien veut démocratiser à fond l’automobile. De l’autre, il tient fermement au rachat des deux prestigieux blasons britanniques du groupe Ford, Jaguar et Land Rover. Avouez quand même que sa stratégie a quelque chose d’antinomique.