La mise en faillite de Detroit, joyau déchu de l’industrie automobile américaine, est l’occasion de «remettre la ville sur les rails», ont assuré vendredi dernier les autorités du Michigan, face aux inquiétudes d’une partie des habitants de voir leurs retraites coupées. L’ancien berceau de l’automobile triomphante du début du XXe siècle est devenu la semaine dernière la plus grande ville américaine à se déclarer en faillite, dernier acte en date de la lente agonie de «Motor City».
Cette ville industrielle du nord des Etats-Unis a accumulé une dette vertigineuse de 18,5 milliards de dollars. A tel point que la municipalité n’est plus en mesure d’assurer l’éclairage public dans de nombreux quartiers et que seul un tiers des ambulances fonctionne, faute de moyens pour les entretenir.
Le taux de criminalité n’a jamais été aussi élevé en 40 ans, et la police met en moyenne 58 minutes pour arriver lorsqu’elle est appelée, contre 11 minutes au niveau national.
L’évolution de la situation est suivie de près par les employés de la ville, qui craignent de voir leurs retraites coupées. Sur les plus de 18,5 milliards, neuf milliards sont en effet dus à des fonds de retraite. Detroit compte 10.000 employés du service public et 20.000 retraités du même secteur.
«Oui, il y a 10.000 employés. Oui, il y a 20.000 retraités. Mais il y a aussi 700.000 citoyens qui ne méritent pas d’attendre 58 minutes avant que la police arrive», a martelé Kevyn Orr, l’expert mandaté pour sortir Detroit de l’ornière, devant les journalistes.
«Est-il normal de voir des arbres vieux de 40 ans pousser à travers les toits délabrés de maisons en ruine? Est-il normal de voir les enfants marcher dans des rues non éclairées en rentrant de l’école?», a-t-il insisté. Interrogé par l’AFP, Milton Walker, un habitant de Detroit, a lancé : «S’il n’y a pas d’argent, on ne peut tout simplement pas payer» les retraites.
La mise en faillite est «exactement la chose qu’il fallait faire», a-t-il insisté. Si les retraites sont protégées par la Constitution de l’Etat, la procédure de mise en faillite de Detroit risque de réduire drastiquement les prestations. Un juge devra désormais dire si Detroit peut se placer sous la protection de la loi sur les faillites qui lui permet de renégocier sa dette.
«Le plus gros défi est qu’il n’y a pas eu énormément de faillites de municipalités dans l’histoire (…), on a donc peu d’expérience en la matière», a prévenu Douglas Bernstein, un avocat spécialisé dans les faillites.
Mais au-delà des aspects strictement juridiques et financiers de l’affaire, la faillite de Detroit reflète la chute de l’automobile, un pan entier de l’industrie américaine qui avait connu son essor au début du siècle dernier. Berceau des «Big Three» (Ford, Chrysler, General Motors), la ville a lié son destin à celui de la voiture, à tel point que des groupes de rock comme le MC5 (Motor City 5) ou une maison de disques, à l’instar de Motown (pour Motor Town), s’en sont inspirés à l’heure de se trouver un nom.














