ALM : Le Trophée de la «Voiture de l’Année 2006» a été attribué à la Renault Clio III. A votre avis, quel a été le critère déterminant qui a convaincu la majorité des membres du jury ?
Francis Monsenergue : L’élection de cette année a été un peu plus compliquée, puisqu’il n’y avait pas de voiture qui se détachait vraiment du lot, comme ce fut le cas l’an passé avec la Toyota Prius, qui était une gagnante sans concurrente. Alors que pour cette dernière édition, il n’y avait que des véhicules renouvelés ou des évolutions de modèles existant déjà. Je pense que la Clio l’a emporté pour son homogénéité, ses prestations routières et d’autres qualités… Mais, je pense aussi que la Volkswagen Passat qui était à tout juste 5 points derrière aurait pu l’emporter, tout comme l’Alfa Romeo 159, qui est arrivée troisième au classement final.
Donc c’était une élection extrêmement disputée, où on avait quatre ou cinq modèles qui avaient vraiment une chance. Et si la Clio ne l’a emporté que de 5 points, c’est probablement parce qu’auprès des votants, elle se présentait comme étant la meilleure synthèse. Certes, la Clio III mérite le titre, mais je ne pense pas qu’il y ait un point particulier qui ait permis à la Clio III de se détacher du lot.
Si le comité d’organisation du Trophée de la «Voiture de l’Année» est indépendant des constructeurs, alors qui subventionne cette élection ?
Ce sont les sept magazines organisateurs qui prennent en charge tout le côté administratif, la mise à jour du site Internet dédié à l’élection (NDLR : «www.Caroftheyear.org»), la conception du Trophée, ainsi que tout ou partie de la cérémonie de la remise des prix. Le titre de la «Voiture de l’Année» n’est assujetti à aucun droit auprès des constructeurs automobiles et la marque qui remporte le Trophée reçoit le logo et en a la liberté de l’utiliser comme elle veut.
Pour vous, membre du jury, quelle est la première raison d’être de cette élection, au-delà de toutes les considérations marketing et commerciales qui profitent au constructeur ayant remporté le titre ?
Quel que soit le modèle gagnant, nous, Comité d’organisation de ce Trophée, n’avons aucun intérêt lucratif, commercial ou autres. Et c’est d’ailleurs cette neutralité qui constitue le facteur garant de notre indépendance et ce, depuis plus de quarante ans. En fait, le but est de perpétuer une tradition qui constitue à mettre en relief, sur les trente nouveaux qui sortent chaque année, le modèle qui présente le plus de qualités et surtout, celui qui réunit les 22 sensibilités différentes.
Ce chiffre correspond au nombre de nationalités auxquelles appartiennent les 58 journalistes qui constituent les membres du jury. Tous ces journalistes connaissent bien leur métier, testent continuellement des voitures et baignent pleinement dans l’univers automobile. Sauf, qu’ils ont des sensibilités différentes. Il y en a qui vont plus s’exprimer en fonction du design, d’autres de considérations purement dynamiques… Et sur l’ensemble des nouveautés que propose chaque année l’industrie automobile mondiale, il reste toujours intéressant de voir, à travers cette synthèse, quelle est la meilleure voiture qui a fédéré le plus de monde.
Parmi les sept modèles nominés pour le Trophée, lequel d’entre eux avez-vous octroyé la note maximale de 10 points ?
Depuis que je suis membre de ce jury, la seule fois où j’avais donné 10 points à une voiture, c’était la Skoda Octavia, il y a quelques années. Et cette année, je n’ai donné cette note à aucune des voitures en lice. D’ailleurs, très peu de modèles ont eu 10 points, ce qui prouve bien le côté extrêmement compétitif de cette édition. Il y a eu des «10 points» pour la BMW Série 3, ce qui illustre un peu le côté passion. Puis il y en a eu un pour la Mazda 5, puis un autre pour la famille C1/107/Aygo.
Justement, concernant la triplette Citroën C1/Peugeot 107/Toyota Aygo, pourquoi, à votre avis, n’a-t-elle pas été plébiscitée par les membres du jury, alors qu’elle a la noble qualité d’être accessible, voire de démocratiser l’automobile ?
Je suis tout à fait d’accord avec votre affirmation, et je fais d’ailleurs partie de ceux qui ont bien noté cette triplette. D’ailleurs sur les 58 journalistes votants, six l’ont placée en tête dans leurs votes.
Des journalistes, où ce genre de voiture ne plait pas forcément, comme c’est le cas en Suède, dont l’une des deux journalistes a accordé 10 points à ce trio de citadines. Moi je pense que l’idée de développer et produire en commun cette triplette est une bonne initiative sur le plan industriel de la part des deux groupes, PSA et Toyota, mais aussi que le résultat de différenciation esthétique est aussi assez réussi. Certes, je suis un peu déçu comme vous de voir que ces citadines n’aient pas été mieux classées, et j’aurais bien aimé voir au moins sur le podium.
Maintenant, il y a le fait qu’aujourd’hui, il existe un certain niveau de prestations auquel nous nous sommes tous habitués et en-dessous duquel une voiture peut être un peu pénalisée. Du coup, parce qu’elles n’offrent ni la climatisation ni les vitres électriques, beaucoup de journalistes ont considéré qu’elles n’avaient pas le strict minimum. Personnellement, je ne suis pas d’accord avec cela, mais nous sommes 58 journalistes à voter, dans un jury qui est transparent et qui s’exprime librement.
Comment expliquez-vous que des voitures aussi réussies que la nouvelle Seat Leòn, ou la Suzuki Swift n’aient pas passé le second tour de l’élection ?
Il est vrai que beaucoup de bonnes voitures sont restées sur le carreau comme on dit. Mais il est tout à fait normal que sur les 28 modèles retenus pour l’élection, seuls sept aient pu passer le deuxième tour. Je crois savoir que la Seat Leòn a été recalée de justesse, puisqu’elle s’est classée huitième. Quant à la Swift, elle n’était pas loin non plus et elle méritait peut-être tout autant d’être nominée. Maintenant, comme je vous l’ai déjà dit, c’est une question de sensibilité auprès des journalistes votants. Personnellement, j’aurais bien aimé que la Peugeot 107 figure parmi les finalistes, puisqu’elle était la seule voiture cette année à présenter une véritable originalité.
• Propos recueillis à Toulouse Par Jalil Bennani