L’autre jour, en roulant en plein milieu du tumulte casablancais, je me retrouve nez à nez avec une voiture que je ne soupçonnais pas revoir un jour sur nos routes. Car il ne s’agit pas d’un modèle récent, et encore moins de ce que l’on appelle un «youngtimer», c’est-à-dire un collector des années 1980 ! Non, il s’agissait d’une authentique grand-mère comme on n’en voit plus : une Peugeot 404 ! Elle était conduite par un monsieur d’un âge certain qui ne semblait pas pressé de rouler. Il faut dire aussi que son antique quatre cylindres à injection de 72 chevaux n’est pas un foudre de guerre, bien qu’à son époque il fut catalogué parmi les durs à cuire aussi costauds que nerveux, capable d’abattre des vitesses de pointe de 140 km/h ! Une vraie performance en cette fin des années 1950.
Première française à injection…
Je décide de m’arrêter au feu rouge juste devant le flegmatique conducteur de celle qui fut baptisée la «dame de fer». Première question après les salamalecs d’usage : «où avez-vous eu cette voiture»? Réponse : «je l’ai héritée de mon frère qui l’avait achetée dans les années 1960. C’est une première main, vous savez ?». Pour rappel, ce fut pour préparer symboliquement l’arrivée de la décennie 1960 que la firme de Sochaux avait décidé de lancer la Peugeot 404. Première Peugeot à avoir été produite à plus d’un million d’exemplaires mais également première française à s’être équipée d’un moteur à injection. Grâce à son côté à la fois moderne mais conservant l’identité de la marque au lion, elle a connu un succès commercial dès son lancement. En 1955, Peugeot a lancé la 403 mais à ce moment-là, avec la présentation de la DS de Citroën, la marque au lion avait déjà commencé à préparer sa riposte avec l’étude de la future 404. Cinq ans plus tard, cette dernière voyait le jour.
Révolutionnaire à plus d’un titre…
Coincé au feu rouge, à bord de ma confortable et vaillante Honda Accord, je ne peux m’empêcher d’admirer les lignes de cette 404 qui se trouve presque à portée de bras de moi. On dirait un objet téléporté hors du temps et de l’espace. A son époque, la voiture avait été révolutionnaire à plus d’un titre.
Grâce à leurs efforts pour lancer une voiture, qui a tout de suite été plébiscitée par le public, les hommes du bureau d’études de Peugeot ont eu le droit d’opter pour des choix inédits, notamment pour le moteur V8, les suspensions hydrauliques ou encore le freinage assisté. Au moment de son lancement, la 404 affirmait bien la volonté de rajeunissement de la marque au lion, mais se devait de garder un look classic et éprouvé. Étroitement dérivée de la 403, la berline 404 s’est distinguée avant tout par sa silhouette anguleuse, résolument dans l’air du temps avec ses ailes arrières effilées. Un look qui n’est pas sans rappeler les américaines.
Inspirée de l’Austin Cambridge? Tiens donc !
Confié à Pininfarina, le dessin de la carrosserie est largement inspiré de ses précédentes productions, notamment l’Austin Cambridge ou encore la Fiat 2300. La 404 représente l’aboutissement du travail du designer italien, qui nous a quittés cette année, avec une ligne plus sobre et nettement plus homogène que celle de ses aînées. Sous sa robe flatteuse, la 404 peut toujours compter pour la partie mécanique sur une transmission classique aux roues arrière et un quatre-cylindres incliné à 45° dans le but d’abaisser le capot avant.
Emprunté à la 403, mais porté à 1.618 cm3, le moteur fournit de bonnes performances avec ses 72 ch mais fait preuve également de souplesse. Robuste et peu gourmand, le quatre-cylindres va également se révéler être une excellente base de développement en recevant un système à injection. Vers le bas, la gamme s’élargit également avec la commercialisation de breaks, pick-up ou encore de modèles économiques animés par des mécaniques diesels.
C’est à partir de 1970 que la gamme va se rétrécir, les évolutions se figer mais la production sera maintenue encore cinq ans. C’est en 1975 que la dernière berline 404 est discrètement sortie de la chaîne à Montbéliard prenant, ainsi, sa retraite au profit de la 504.