Très fortuné mais pas mégalomane, Edouard Michelin n’est pas un patron aux velléités trop expansionnistes ou aux projets fantaisistes. Non, ce quadragénaire est un homme plutôt discret et même spirituel, selon son entourage. Né en 1963, il est le descendant de la famille Michelin et porte d’ailleurs le même prénom que son grand-père, le fondateur de la firme, depuis toujours basée à Clermont-Ferrand.
Son père, François, a dessiné son profil et l’a forgé pour en faire un homme-chef qui lui succèderait aux destinées de l’entreprise. Ce sera chose faite le 11 juin 1999. A ce moment-là, Edouard a déjà une certaine expérience du management de son entreprise, où il a fait son apparition à seize ans, à l’occasion de son premier stage. A cet âge, il est très passionné par les voitures. Vers la fin de ses études, il envisage même de travailler pour un constructeur automobile. Mais la volonté de poursuivre l’oeuvre de ses aïeuls va l’emporter. En effet, il n’a que vingt et un ans lorsqu’il part en formation aux Etats-Unis, au Centre de Recherche de Michelin, à Greenville, en Caroline du Sud. A son retour, il rejoint officiellement l’entreprise (1985) où on le surnomme déjà «l’Américain». En 1989, il finit ses études d’ingénieur à l’Ecole Centrale, puis occupe une série de fonctions : chef d’équipe, puis chef de fabrication dans l’une des usines de Michelin (en Saône-et-Loire) et même directeur commercial de l’entreprise. Mais cela ne durera pas longtemps, puisqu’en 1991, Edouard reprend le large pour les USA. Selon lui, «il y a, culturellement, en Amérique du Nord, une capacité à évoluer plus vite qu’en Europe».
Là-bas, il est nommé «President and Chief Operating Officer» pour Michelin North America. Entre-temps, La firme de Clermont-Ferrand a racheté Uniroyal-Goodrich et est devenue leader mondial du pneu. Edouard prend la direction industrielle de l’ensemble des usines nord-américaines, ainsi que la responsabilité du commerce et de la distribution des pneumatiques poids lourd. Des fonctions qu’il exerce sous la houlette d’un certain Carlos Gohsn, qui supervise alors l’ensemble du secteur nord-américain pour Michelin.
De cet homme, qui dirige aujourd’hui Nissan, Edouard apprendra beaucoup en matière de management. Particulièrement en matière sociale. Ainsi, nommé cogérant depuis 1991, aux côtés de (son père) François Michelin et de René Zingraff, il va, à la mi-93, annoncer à la fois 7.500 suppressions de postes et une progression de 20% des résultats de l’entreprise. Plus qu’un fait paradoxal et une décision qui choque tout le pays, cette réduction d’effectif est justifiée, selon lui, par une nécessité de «préparer l’entreprise aux forces de demain».
Et pour préparer l’avenir de Michelin, Edouard a un oeil averti sur la concurrence, dans un marché qui connaît parfois le déclin. Sa recette : l’innovation ! Voilà plus d’une décennie que l’intelligentsia de Michelin rivalise d’ingéniosité pour développer de nouveaux concepts et des produits inédits, dont le Pax System, premier pneu à permettre le roulage à plat.
En privé, ce père de famille, à la quarantaine accomplie est connu pour son élégance et sa discrétion. Amateur de chant grégorien et de marche en montagne, il a également une passion pour le ballon ovale. D’où le sponsoring de Michelin pour l’équipe de rugby de Clermont-Ferrand qui a d’ailleurs déjà disputé une finale du championnat de France. Soucieux de l’image de marque de son entreprise, Edouard parraine des manifestations à dimension internationale ou en organise à sa propre initiative. C’est le cas du «Michelin Challenge Bibendum», un événement fédérateur de tous les acteurs de l’automobile mondiale et placé sous le signe de la recherche en matière des technologies dites propres ou écologiques. C’est aussi grâce à lui que le siège social de l’entreprise s’est refait une beauté. En effet, les vieux bâtiments qui portent l’enseigne Michelin sont désormais masqués par une vaste serre en verre de 21 mètres de haut. Et, petite anecdote nullement fortuite : cette vitrine abrite des hévéas, la plante qui produit le latex indispensable à la fabrication du caoutchouc. Une matière qui a fait la fortune et la renommée de la petite firme de Clermont.