ALM : En quoi les nouvelles modalités de recouvrement des primes d’assurances posent-elle problème ?
Saïd Dor : Tout d’abord, il faut reconnaître que la mise en place de ces nouvelles modalités de recouvrement des primes d’assurances découlant du code des assurances et de la loi de Finances 2005 se justifie par les énormes retards de couverture des primes que connaît le secteur. Toutefois, la brutalité de l’application de ces mesures pose problème. Les Marocains ne sont pas habitués à s’acquitter de leurs primes dans les délais. Les petits assurés comme les grands connaissent des problèmes de trésorerie liés à la décapitalisation des entreprises. Sur le plan social, en passant à l’application des nouvelles modalités, les petits transporteurs qui réglaient leurs primes par tranches, risquent tout simplement de renoncer à l’assurance. Ce sera le cas dans un certain nombre d’activités. Comment voulez-vous que les transporteurs touristiques (qui vivent présentement des difficultés), et qui comptent en général des parcs de véhicules assez importants puissent s’acquitter de leurs primes d’assurances d’un seul coup ?
En conséquence, le Maroc risque de se retrouver avec un taux de couverture des assurances encore plus faibles. Une institution comme le fonds de garantie chargée de la couverture des risques non assurés risque de pâtir de la situation. Cet organe est alimenté rappelons-le par une taxe prélevée sur la prime d’assurance.
Pouvez-vous nous donner une idée des montants des primes non encaissées ?
Les retards de recouvrement sont énormes. Pour 12 milliards de dirhams d’émissions, nous avons plus du tiers à l’extérieur. C’est une situation intenable et qui ne cadre pas avec les normes régissant le secteur. Tout le monde est d’accord pour réformer cela, mais les moyens doivent être bien étudiés.
En fait quelque part il y a une volonté de l’Etat de vouloir encaisser désormais à la fin du mois et non à la fin de chaque année. Les compagnies doivent payer sur la base des primes encaissées et doivent justifier la mise d’une prime en contentieux.
Quelle est la position des compagnies vis-à-vis de ces nouvelles réformes ?
Nous avons toujours prôné le dialogue. De toute façon, les compagnies d’assurances ne peuvent pas vivre sans les intermédiaires et vice-versa. Je constate, quand même, que depuis quelque temps il y a un dialogue de sourds entre ces deux composantes clés du système d’assurance
Finalement, n’est-ce pas l’intermédiaire qui risque de payer les pots cassés ?
Il est vrai que ce sont les intermédiaires qui travaillent sur le terrain qui sont les plus exposés. Les petits cabinets seront particulièrement touchés. Mais il faut le dire, ces nouvelles dispositions mettront en difficulté tout le système.
Cette réunion que nous organisons jeudi à Agadir a d’ailleurs pour but d’expliquer les implications des nouvelles modalités à nos partenaires des Chambres professionnelles et de la CGEM.
Quels sont les objectifs de cette journée d’Agadir ?
Aller sur le terrain et sensibiliser les différents partenaires pour les écouter, en recueillir leur avis sur la réforme. D’ailleurs je profite de l’occasion pour remercier le ministère des Finances de la célérité de sa réponse à notre proposition, ainsi que toutes les institutions (la CGEM, les Chambres professionnelles) qui nous accompagnent. Notre objectif, en fin de compte, est d’étudier les conséquences que peut avoir la nouvelle réforme sur le secteur pour essayer d’en atténuer les effets. Si nous voulons augmenter le taux de pénétration de l’assurance, il est indispensable que l’approche prenne en compte toutes les dimensions du problème.