ALM : Trois ans après la libéralisation du transport routier des marchandises, peut-on dire que l’Office national des transports a réussi la phase de transition ?
Mohamed Lahbib El Gueddari : A en juger par les performances réalisées notamment au niveau des résultats financiers enregistrés au cours de ces quatre dernières années et des prestations commerciales et de la qualité du service offert, je peux dire que l’ONT a franchi cette phase transitoire avec succès. Et ce, pour deux raisons essentielles : la première c’est qu’il est entré dans une phase bénéficiaire avec une tendance ascendante depuis 2002, après les résultats déficitaires enregistrés en 2001 et ce, malgré une concurrence très rude, ayant conduit à la chute des prix de transport, suite à la libéralisation du secteur routier de transport de marchandises. La deuxième raison, c’est l’amélioration de la qualité des services offerts grâce à la mobilisation générale des ressources humaines, matérielles et financières. D’ailleurs, l’ONT a entamé le processus de sa certification ISO 9001 version 2000 qui est à sa phase finale.
Ces résultats ne sont pas le fait du hasard, mais le fruit d’un travail de longue haleine, rendu possible grâce à une action simultanée, sur le chiffre d’affaires d’une part et sur les charges en vue de leur compression d’autre part.
Ainsi, on s’est attelé à la consolidation des acquis et au renforcement du métier de base par la mise en place d’une nouvelle stratégie commerciale d’entreprise, dès juin 2003. Cette stratégie a permis à l’Office de relancer son développement commercial et de faciliter son positionnement en tant qu’opérateur majeur dans le domaine du transport de marchandises et de la logistique au Maroc.
Au niveau du volet réduction des charges, la tâche n’a pas été aussi facile qu’on puisse le croire, car il fallait y procéder tout en améliorant le niveau de l’activité et de la qualité du service.
C’est ainsi qu’on a été amené à adopter un certain nombre d’actions dont notamment : la réduction des effectifs par l’organisation d’une opération de départ volontaire ciblée et sélective en 2004, réduisant l’effectif de près de 25% et ce, après une première opération qui a eu lieu en 1999, ayant réduit l’effectif de plus de 40%. Ainsi, suite aux deux opérations, l’effectif total a été réduit de 1289 agents en décembre 1999 à 495 en décembre 2005, soit une réduction totale de plus de 60%.
La restructuration du réseau d’agences par la fermeture de plus d’une vingtaine d’agences improductives et la rénovation et l’équipement des agences rentables.
La suppression des moyens de transport du personnel et leur remplacement par une indemnité.
La liquidation de la caisse de service médical propre à l’ONT, déficitaire depuis plusieurs années et son remplacement par le régime de la Mutuelle Générale.
L’ensemble de ces actions, conjuguées à d’autres non moins importantes tels que la refonte du système d’information, le recentrage sur le métier de base et la réorganisation de l’entreprise ont contribué à l’amélioration et du niveau de l’activité et de la qualité des services rendus de l’Office.
Quel est votre nouveau statut juridique ?
Le statut actuel de l’ONT est celui d’un Etablissement public soumis au contrôle d’accompagnement (ou contrôle à posteriori). Mais comme vous le savez, dans peu de temps, l’ONT se transformera en société anonyme. En effet, la loi 25-02 relative à la suppression de l’Office national des transports et à la création de la Société nationale de transport et de logistique (SNTL) a été publiée au bulletin officiel en décembre 2005. Le décret d’application afférent au transfert du patrimoine de l’ONT à la SNTL a été publié en mai 2006. La transformation de l’ONT en société anonyme lui apportera la souplesse de gestion nécessaire et lui permettra de concrétiser, dans de meilleures conditions, sa stratégie de diversification, à même de contribuer à son repositionnement stratégique dans le transport et la logistique.
Comment êtes-vous arrivé à compenser le manque à gagner dû à la perte de certaines commissions ?
Il faut rappeler, de prime à bord, que bien avant la suppression de son monopole en mars 2003, l’ONT avait perdu une partie non négligeable de ses commissions, suite à l’instauration dès 1997 du traité direct (pratique qui permettait au transporteur de traiter directement avec le chargeur moyennant une commission qu’il versait à l’ONT). Cette commission a été graduellement réduite jusqu’à son extinction totale en 2002.
Ensuite, depuis l’entrée en vigueur de la loi relative à la libéralisation du secteur de transport routier de marchandises, l’ONT a subi une concurrence de plus en plus farouche et qui s’est traduite par une baisse de plus en plus forte des prix de transport, ce qui n’a pas été sans conséquence sur l’évolution des recettes de l’ONT.
Pour pallier à cette situation et combler le manque à gagner, l’ONT a été amené à mettre en place une véritable politique de redressement, d’assainissement et de mobilisation de toutes les ressources de l’Office. D’abord par la chasse à toutes les formes de gaspillage et de dépenses improductives. Ainsi, par exemple, les dépenses de fonctionnement ont été réduites de 27% en 2002, de 15% en 2003 et de 4% en 2004. Cependant, ces restrictions n’ont pas touché le financement des projets d’envergure de l’Office et qui revêtaient un caractère prioritaire.
En second lieu, afin de sauvegarder et faire progresser sa part du marché des transports, l’Office a lancé une stratégie commerciale d’envergure par l’introduction de nouveaux produits plus adaptés aux besoins des clients.
Et pour garantir sa pérennité et son repositionnement stratégique dans le secteur des transports et de la logistique, l’ONT a enclenché la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie de diversification et ce, suite à une étude réalisée par un bureau de renommée internationale.
Cette nouvelle stratégie a retenu des métiers dans lesquels l’ONT peut se lancer telle que la sous-traitance logistique. Ainsi, l’ONT entamera notamment, avant la fin de l’année 2006, la construction d’un réseau de plates-formes logistiques et assurera leur gestion. Aussi et pour appuyer cette action, procédera-t-il à l’achat de remorques frigorifiques pour les campagnes d’agrumes TIR ainsi que des véhicules palettisables dont le marché national est déficitaire. En outre, l’ONT développera d’autres créneaux pour diversifier son activité.
Ces mutations, ajoutées à la concurrence et à la baisse des tarifs, n’affectent-elles pas votre programme d’investissements ?
Il est certain que la concurrence et les fluctuations des prix de transport influent dans une certaine mesure sur les recettes de l’Office et par conséquent sur le programme d’investissement à venir. Mais ces données sont généralement évaluées et calculées à l’avance et leur incidence est prise en compte lors de l’élaboration du programme d’investissement.
Comme je l’ai dit, l’ONT a décidé de réaliser des investissements conséquents. Ainsi, un programme d’investissements pluriannuel que le dernier conseil d’administration de l’ONT a adopté, sera lancé avant la fin de l’année 2006.
Ce plan prend en compte les projets à réaliser par l’entreprise d’ici l’an 2010.