Mai 2006. Au palais de Mirafiori, soit là où siège Fiat Auto Spa, son P-dg Luca Cordero Di Montezemolo n’est peut-être pas euphorique, mais il fait sensation en annonçant une grande nouvelle à tous les employés de la firme: la branche automobile de Fiat est enfin sortie du rouge. Mieux encore, Fiat Auto dégage (pour la première fois depuis 2000) des bénéfices, et plus précisément, 57 millions d’euros sur le premier semestre 2006. Inimaginable pour la marque turinoise qui, il y a encore quelques années, était lourdement déficitaire (3 milliards d’euros de pertes en quatre ans) et fortement essoufflée sur le plan commercial (ses ventes ont chuté de 2,3 millions à 1,6 million d’unités entre 2000 et 2005). Mais à partir de la fin 2005 et dès le début 2006, tous les indices repassent au vert pour Fiat.
Qui a stoppé l’hémorragie ? Qui a redonné confiance et motivation pour tous les salariés de Fiat ? Qui a redessiné la bonne stratégie et établi les priorités ? Un seul nom revient et ce n’est pas celui du P-dg, mais bien celui de l’administrateur délégué de Fiat Auto, Sergio Marchionne.
D’accord, Fiat Auto doit beaucoup sa renaissance à la Grande Punto. Celle-ci, au-delà de son look très réussi (signé Giugiaro) et son prix assez compétitif, n’a pas déçu par ses qualités : finition sérieuse, bon comportement routier et moteurs fiables. La grande citadine de Fiat s’est même permis le luxe de devenir numéro 1 de sa catégorie en Italie, comme dans plusieurs autres marchés européens.
Sauf que bien avant ce succès, c’est toute la toile de fond de Fiat Auto qui a été revue de fond en comble. Au beau milieu de sa cinquantaine, Sergio Marchionne a de l’énergie à revendre et surtout de bonnes idées à concrétiser. D’abord, au niveau des ressources humaines et du management. Il joue au «cost-killer» et n’y va pas avec le dos de la cuillère. Un peu comme Carlos Ghosn. Mais contrairement à ce qu’avait fait le patron de Nissan, Marchionne n’a pas taillé dans l’effectif industriel. Il s’est plutôt attaqué aux cadres et directeurs de pôle. Des pôles qu’il a audités un à un. Son verdict fut sans appel : tous les cadres ne remplissent plus leurs fonctions, n’ont plus ni créativité ni ambition, tandis que le traitement des ouvriers est indigne. Résultat : 90% des cadres de haut rang sont remerciés pour permettre l’injection d’un sang neuf au management de l’entreprise.
Parmi les nouveaux dirigeants promus aux commandes des marques : Luca Di Meo pour Fiat, Antonio Baravalle pour Alfa Roméo et le Français Olivier François pour Lancia. Car, pour Marchionne, le management doit être fractionné en management des hommes et management du changement. Un changement qu’il va également opérer par une nouvelle politique de communication. Des visuels et des spots publicitaires choc, explicites et émotionnels à l’image de la première pub TV de la Grande Punto, visant à briser «les idées reçues».
Parallèlement, il multiplie les alliances avec d’autres constructeurs pour réaliser des économies d’échelle. Avec PSA pour produire l’utilitaire Ducatto, avec Suzuki pour réaliser le Sedici et la Panda 4×4 et avec Ford pour fabriquer la 500 (sur la même base que la future Ka). Et justement, la 500, au-delà de son côté «revival», s’inscrit dans un plan produits des plus denses, prévoyant le lancement d’une vingtaine de nouveaux modèles d’ici 2008. Parmi eux, la Bravo et la Linea sont déjà promise à un joli succès.
Bref, tout un travail de fond, qui ne passe pas inaperçu et qui vaudra à Marchionne d’être décoré de l’Ordre de «Chevalier du mérite du travail» par le Président italien, en octobre 2006. Pourtant, l’homme n’aime pas trop être médiatisé. Discret, Marchionne est même peu regardant sur les apparences. Pour lui, l’habit ne fait pas le moine. C’est d’ailleurs l’un des premiers constats que l’on se fait lorsqu’on rencontre l’actuel patron de Fiat Auto dans un événement aussi important tel que lancement international de la Linea. En effet, lors de cette soirée faste organisée le 2 mai 2007 à Istanbul, Sergio Marchionne portait un costume sans cravate. Il avait même un look anodin avec son pull en laine presque quelconque. Qu’importe le look, tout est dans la tête. Dans sa tête. Pour autant, sa présence à un tel événement est loin d’être uniquement pour la forme.
Lors de la révélation de la voiture, Marchionne est plus qu’attentif, il est curieux. Mais il ne regarde pas l’auto. Il observe les réactions des journalistes et leurs premières impressions face au véhicule nouvellement présenté. Encore plus frappant, son comportement le lendemain matin, lors de la conférence de presse. Parmi ses collègues, cadres du management de Turin, il est le seul à se tenir debout ! Mais surtout, Marchionne est décontracté, il est sûr de la Linéa et de ses chances de réussite (commerciale). Il répond à toutes les questions et n’hésite pas à prendre la parole pour compléter la réponse d’un cadre ou ingénieur qui s’exprimait juste avant.
Initialement annoncée pour le lancement au Maroc de la nouvelle Linea, la présence de Sergio Marchionne a été annulée pour cause d’indisponibilité. L’homme, à qui il est honnête de rendre hommage, aurait probablement apprécié, et à sa juste valeur, tout le travail accompli par Fiat Auto Maroc pour redorer son blason. Dommage !