Chroniques

100% Jamal Berraoui : Le flou juridique

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Un photographe de presse a un litige avec son ex-employeur, il considère que son fichier-photos lui appartient au nom de la propriété intellectuelle ; son employeur, lui, pense l’inverse, il payait le salaire et le matériel du photographe. Que dit la loi ? Rien de clair et l’affaire estée en justice pourrait faire jurisprudence. Cependant, la logique voudrait que ce soit l’employeur qui ait raison, parce qu’un photographe de presse salarié, au même titre que le journaliste, réserve sa production à son employeur.
Un autre photographe de presse se trouve devant un tribunal, il voit passer des détenus dans un procès lié au terrorisme, il fait son métier et prend des photos.
Les policiers, eux aussi, font leur métier, ils l’arrêtent. Le procureur entame même des poursuites contre le reporter. Tout le monde a fait son boulot, selon la loi, il faut avoir une autorisation. Cette disposition est faite en principe pour défendre le droit à l’image des gens et accessoirement, pour certains édifices identifiés pour des raisons sécuritaires. Appliquée à la lettre, cela signifierait la mort du métier de photographe de presse. Imaginez un reporter devant un carambolage sur l’autoroute, il devrait téléphoner à sa direction, celle-ci doit préparer un courrier et l’adresser aux autorités et attendre une autorisation signée, puis l’envoyer à son photographe qui n’aura plus rien à photographier.
Les deux exemples me viennent à l’esprit parce qu’ils concernent notre profession, mais il est sûr qu’il y a des centaines de dispositions impossibles à appliquer et dès lors violées continuellement et qui, en cas de sanction, constituent une injustice. La plus évidente est celle qui concerne l’alcool, dont la vente aux musulmans  est interdite.
Tout Marocain non juif étant considéré musulman par la loi, tous les amateurs de Bacchus sont hors la loi et tous les débits d’alcool devraient être fermés. Et justement, on a déjà vu des épiciers traduits en justice au nom de cette fameuse disposition, parce qu’ils n’avaient pas été compréhensifs avec les flics du coin.
Tous les domaines de la vie sont concernés. Le législateur marocain a choisi, depuis longtemps, la politique de l’autruche. Au lieu de légiférer en fonction des transformations sociales, il «tolère». Cela crée des zones de non-droit qui font de l’application de la loi une injustice.
L’Etat de droit que tous les acteurs réclament ne peut être bâti que sur la base de la suprématie de la règle de droit. Cela signifie au Maroc le courage de revoir tout l’arsenal juridique, de le dépoussiérer et d’affronter les problèmes de société avec le courage nécessaire. Car, bien évidemment, derrière cette frilosité , il y a la religion qu’il faut respecter ou affronter selon le cas. Il faut que la société en décide via ses élus. Cela s’appelle la démocratie et elle est indissociable de l’Etat de droit.

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