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100% Jamal Berraoui : Sérieux, s’abstenir

© D.R

Depuis l’évasion des 9 terroristes, la presse écrite multiplie les révélations. Le même journal nous apprend successivement qu’ils partis en Algérie, qu’ils sont restés planqués à Kénitra, qu’ils sont partis en Italie (pour suivre le calcio?) et enfin qu’ils sont recherchés à Casablanca. A chaque fois, ce sont des sources proches de l’enquête qui ont tuyauté le journaliste. L’histoire des cuillères, racontée par l’ensemble de la profession, est démentie par le ministre de la Justice. Ils ont utilisé un bout de conduite d’eau en PVC, ce qui est tout de même plus pratique pour creuser un tunnel. Je vais moi aussi vous faire une révélation que je tiens de sources encore plus proches de l’enquête que mes confrères : tout cela c’est du pipeau, les services marocains ne savent pas en ce moment où sont ces satanés takfiristes , ils sont tous en alerte maximale et attendent un bout de piste crédible. Crédibles, les journaux qui se livrent à des supputations de comptoir sur un sujet aussi grave ne devraient plus l’être. Mais, il y a  un lectorat qui en redemande, il a juste besoin de son « information » quotidienne pour meubler sa discussion au café, sans souci d’authenticité. Les journalistes qui l’ont compris, travestissent  au quotidien leur métier, mais c’est une attitude gagnante. On ne peut même pas leur en vouloir, puisque la recette  marche, les clients sont satisfaits du service, les annonceurs suivent et que les «sources proches de l’enquête» savent qu’il y a matière à manipuler et ne s’en privent pas.
Un exemple de communication manipulée nous est livrée par le départ de Bendidi de l’ONA. Rien à dire sur les raisons du limogeage ou du limogeage lui-même, contrairement au lynchage de Saâd Bendidi.
A la lecture du compte-rendu, le même publié par l’ensemble des journaux, celui qui passait pour un génie de la finance est devenu un margoulin.
Et tous répètent la même rengaine : vive la transparence, l’ONA donne l’exemple, le capitalisme nouveau est arrivé. L’homme a refusé, avec élégance, de répondre à ce lynchage. Cependant, il n’est pas la seule victime, ceux qui s’occupent de la communication de Wana ont une pente très raide à remonter. L’ONA intéresse tout le monde, c’est un fait, et il est donc logique que les journaux informent sur la holding. Contrairement à ce que l’on pense, ce n’est pas un grand annonceur sur les supports presse écrite, et l’intérêt économique est mineur et n’explique pas le déchaînement actuel. Le drame de la presse marocaine, ce n’est ni le manque de moyens, ni la difficulté d’accès à l’information, ni les juges trop sévères, ni les publicitaires trop regardants. Notre drame, c’est que nous avons laissé la légèreté  l’emporter sur la rigueur, l’à peu près remplacer les règles de l’art et finalement ce qui devait arriver est arrivé, la loi de Gresham fonctionne à plein, la mauvaise monnaie chasse la bonne.
La démocratie en construction a besoin d’une presse libre, totalement libre, aussi engagée que ses patrons le choisissent, avec une seule contrainte : le respect des règles du métier. Pas les grands principes, juste le recoupement de l’information, la distance avec les sources et les règles prudentielles universelles. Cette pente aussi sera très rude à remonter, mais au sein du métier, les forces existantes en sont capables.

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