Samedi dernier, le J.T de 13 heures à 2M a atteint le sommet de la bêtise. Alors qu’à Marrakech forces de l’ordre et squatters se sont livrés une bataille digne du Liban, que les préparatifs du baccalauréat allaient bon train, 2M a choisi de nous montrer son Maroc particulier. Festival de Fès puis 4 ou 5 colloques et c’est tout. Un Maroc assis, cravaté, ressassant des discours éculés, le Maroc debout, celui qui vit, travaille, se bat, est exclu. Ce genre de remarques on peut les faire à longueur de journée à nos deux télés, la RTM étant encore moins aguichante que sa petite sœur de Aïn Sebaâ. Pris individuellement, les journalistes des deux rédactions n’ont rien à envier à personne en termes de compétence. Les résultats ne sont pas au niveau du potentiel, loin s’en faut. Ce constat implique une analyse en interne pour déterminer les goulots d’étranglement, le faire en observateur externe serait cédé à la spéculation sans plus.
Cependant, on peut placer le débat au niveau de ce que nous attendons d’une télévision de service public, à la veille des législatives ce débat est plus nécessaire que jamais. En termes de qualité, il n’y a pas de divergence, nos télés doivent être aux standards internationaux si elles veulent remplir leur mission de service public en contribuant à influencer l’opinion publique locale. Le contenu peut être l’objet d’un débat.
Les tenants du pôle public avaient expliqué ce choix par la nécessité de synergies à même d’offrir aux deux chaînes les moyens de résister à la concurrence. Cependant, les effets pervers sont visibles sur l’écran. Le verrouillage de l’information a déteint sur les deux rédactions. Celle de 2M est démotivée, sans que Bouzerda apporte la moindre esquisse de changement à la RTM. Le confrère avait annoncé la révolution et son envie de tout casser. Il faut croire que les résistances ont été mal évaluées… A moins que le problème ne se situe au niveau du cahier des charges. La RTM, pour le téléspectateur lambda, est d’abord un outil de propagande. De la hiérarchie de l’information au lexique vieillot, tout incite à l’installation de cette image. Quant à 2M, c’est très inégal mais il faut signaler que le médiocre est plus présent que le meilleur. Les talk-shows sont globalement contre-productifs parce que les animateurs donnent l’impression du manque de préparation, qu’ils maîtrisent rarement leur plateau et que les invités viennent rarement pour un débat démocratique. Quant aux magazines, en dehors de «Grand Angle» et de «Tahqiq» c’est quasiment le désert. Le verrouillage de l’information laisse place à un populisme de bon aloi. La phase politique que nous traversons a besoin d’un cahier de charges beaucoup plus précis et plus ouvert. Il y a d’abord lieu de préciser la ligne éditoriale. Les télés publiques sont au service du projet sociétal choisi par la majorité. A ce titre, elles ont certaines obligations d’ordre national, en clair le fameux Tryptique Monarchie, Islam, Sahara, et dans le respect de la profession.
Néanmoins, l’ouverture ne signifie pas tenir le crachoir à tous les incontinents qui peuplent la vie publique. Justement en prévision des législatives on attendait autre chose de nos deux télés que le défilé actuel des faux Zaims et vrais comiques.
Des émissions thématiques autour des programmes sur des questions précises donneraient plus de consistance au débat politique et participeraient mieux que les spots débiles à la mobilisation de l’électorat. Il faut d’ailleurs bannir dans le cahier des charges cet aspect guignolesque de «conscientisation» par les slogans. C’est par sa production qu’une télé qui a une mission de service public participe à l’élévation du niveau général, pas par les campagnes de pub qui ne servent que leurs auteurs. Ce débat sur la télé, éminemment politique, finira par s’imposer à tous. Et alors, le choix du pôle public sera remis en question puisqu’il n’a abouti qu’à tirer vers le bas les deux chaînes.
P.S. : Un acte terroriste à Tizi-Ouzou n’est pas une information intéressante pour les redac-chefs de nos J.T. A méditer !