Chroniques

A dire vrai… Des institutions, des femmes et des hommes

© D.R

En ces temps d’incertitude, c’est fou ce que les peuples attendent de leurs gouvernants. Le dîner de ce soir chez des amis n’échappe pas à la règle.
– Nous avons toutes les richesses du monde, se plaint notre hôte Hamid. Pourtant ça va toujours mal. Et on ne sait pas si le nouveau gouvernement arrivera à faire mieux que ses prédécesseurs. Au fond, que demandent les gens ? Du travail, éduquer leurs enfants, se soigner, de la justice. Est-ce trop demander ?
Des pas martèlent le plafond. Dans l’appartement du dessus, quelqu’un marche avec des talons pointus ou des chaussures ferrées. Nous levons les yeux.
– La fille des voisins a des semelles en bois, dit Anissa, la maîtresse de maison. J’ai fait plusieurs fois la remarque. Rien n’y fait. Alors on vit avec et on prie chaque jour que la petite aille tôt au lit.
– Ça aussi c’est la faute du gouvernement ? dit Karim, un des convives. Nous ne savons pas vivre en communauté. On est fort pour réclamer nos droits, et on fait comme s’il n’y avait pas de devoirs. Et on attend que les gouvernants règlent tous nos problèmes !
– Ceci dit, les problèmes sont connus, dis-je, et les solutions aussi. Les ministères et les administrations croulent sous les rapports et les recommandations. Sans résultats. D’après-vous pourquoi ?
– Parce qu’on n’a pas de leaders, répond Karim du tac au tac. On manque de responsables avec une vision, une volonté politique, prêtes à relever les manches, tailler dans le gras et administrer les remèdes !
– Volonté politique ! ricane Hamid. Sait-on au moins ce que ça signifie ?
Karim le fixe intensément, puis, avec aplomb, réagit.
– Pas sûr qu’on lui donne le même sens. Pour moi, volonté politique c’est d’abord un diagnostic de la société, sans indulgence ni alarmisme. Ensuite, une vision vers où faire évoluer le pays. Puis, des moyens, sans démagogie ni démesure. Le tout articulé dans un agenda, des temps d’évaluation.
Karim nous regarde tour à tour. Assuré que nous suivons son raisonnement, il poursuit :
– À ce stade, ce n’est qu’un projet politique. Ses porteurs doivent ensuite subir l’épreuve du pouvoir pour pouvoir parler de volonté politique. Ça dépend de leur capacité à mettre en œuvre leur projet, surmonter les défis et affronter les résistances.
– Avons-nous, ou avons-nous eu, des individualités de cette trempe ? demandé-je.
– Non, à en juger par le bilan des gestions passées, intervient Hamid, emporté par le sujet.
– Suis pas d’accord, dit Karim sans ménagement. Plein d’individualités n’ont pas pu donner la mesure de leur potentiel à cause d’un système biaisé !
– Tes propos sont excessifs, rétorque Hamid. Mais admettons. On est donc condamné à la médiocrité !
– Non, si le système est rénové en profondeur, réplique Karim. En profondeur, c’est remettre à plat le processus de sélection du personnel politique. Le mode de scrutin, pour assurer l’accès au pouvoir d’une majorité forte. La reddition des comptes. Ces femmes et ces hommes doivent ensuite gouverner contre vents et marées. Ne jamais se plaindre de réelles ou prétendues poches de résistance. Une vision, un cap et une détermination. C’est ça la volonté politique. En politique, rien n’est facile. Rien n’est acquis. Ce sont les femmes et les hommes qui font les institutions. Sinon, elles restent des coquilles vides.
– Compliqué tout ça, dit Hamid en se levant. Qui aborde ces questions ? Pas même nos politiques !
– On ne peut les éluder davantage, dit Karim en se levant à son tour. Il s’agit de l’avenir de nos enfants.
Je suis l’exemple de mes amis et m’apprête à m’en aller en me demandant … quand allons-nous cesser de tout attendre des gouvernants, si nous nous n’intéressons pas à ces questions ? Le temps n’attend pas.

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