Chroniques

A qui profite le statu quo des relations Maroc-France ?

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Malgré cette unanimité de façade, il y a fort à craindre que les relations diplomatiques entre Rabat et Paris continuent à faire – dans un climat de silence et de recueillement – l’objet de critiques, de part et d’autre, du moins à l’égard de ce qui se passe.

Des querelles, masquées ou inavouées, qui n’ont pas lieu d’être, surtout que les échanges commerciaux entre les deux pays se poursuivent et ont même augmenté de 24% en 2022 pour atteindre 13,4 milliards d’euros.
Pourtant, lorsque le Quai d’Orsay ne cesse de clamer haut et fort, à tous les niveaux, le partenariat d’exception qui lie Rabat à Paris, certaines attitudes et décisions françaises allaient ou vont en contre-sens de cela : Restriction des visas, Vote au Parlement européen d’une résolution critiquant les atteintes à la liberté de la presse au Maroc, Implication du Maroc dans l’Affaire Pegasus, Jeu d’équilibre entre le Maroc et l’Algérie ou encore Campagne de presse anti-marocaine dans les médias locaux en France.
Et voilà que la France sollicite – comme si de rien n’était – le Maroc pour l’organisation d’un match de football amical entre les deux pays ou encore pour évoquer un retour à la normale pour les visas Schengen.
Fermons les parenthèses et que les choses soient claires : il faut nous attaquer aux sources même des discordes entre les deux amis «séparables» ou « inséparables » et se poser les bonnes questions ou plutôt les adresser, respectueusement, à Monsieur le Président français : pourquoi la France continue-t-elle d’agir en observatrice passive au lieu d’assurer un rôle de médiatrice pour une reprise des relations entre Rabat et Alger ? Pourquoi l’Elysée refuse- t-il de se prononcer sur la marocanité du Sahara qui est pourtant clairement reconnue par la communauté internationale, un dossier dont il ne manque plus qu’une décision onusienne pour l’entériner ? La France, en tant que membre de l’Union européenne, est-elle consciente que la construction d’un partenariat entre le Vieux Continent et l’Afrique passe inéluctablement par le Maroc ? Quel rôle assure l’Union pour la Méditerranée dans la promotion du dialogue et de la coopération dans la région et principalement entre Rabat et Alger ? Paris est-elle vraiment consciente qu’une entente entre les principaux pays du Maghreb (Maroc-Algérie-Tunisie) lui ferait gagner un indéniable repositionnement extrêmement avantageux en Afrique ?
Revenons à Rabat : Sa position est claire car aucun ambassadeur du Royaume du Maroc en France n’a encore été nommé par l’Auguste Souverain. Ce qui peut être expliqué, en toute simplicité, comme une expression de mécontentement. A vrai dire, Rabat ne voit pas de sens de hâter les évènements dans les offenses qu’elle ne cesse de subir et ce, malgré les relations vieilles et solides avec la France.

Pourquoi fonctionnons-nous de façon si irrationnelle ?
Un retour à la normale ne serait pas difficile, à condition que Paris admette, officiellement, la marocanité du Sahara : une question légitime qui s’appuie sur des preuves historiques et juridiques irréfutables, auxquelles la quasi-majorité des Etats y adhère pleinement.
En vain, certaines attitudes et décisions françaises vont en contre-sens de ce qui est dit. Qui croire ? Si ce ne sont pas de hauts dirigeants, si ce ne sont pas des médias officiels, alors on dira que ce sont des déclarations concrètes et palpables qui traduiront la véritable volonté de l’une et/ou de l’autre partie de hisser, d’abaisser ou d’anéantir le degré de coopération entre les deux pays.
Au fait, personne n’arrive à comprendre au juste pourquoi nous fonctionnons de façon si irrationnelle, même si je sais bien qu’il est inévitable que des critiques fusent de part et d’autre à l’égard de ce qui se passe. Une abondance de publications dans les médias, marocains et français, des échanges indirects entre politiciens et parlementaires des deux pays, des citoyens qui en ont ras-le-bol de se retrouver dans une impression d’énigme et de mystère. On se dit parfois que tout va bientôt reprendre le cours normal, puis soudainement tout bascule vers le cheminement d’une crise masquée, sans issue proche. Certains même lient le sort des relations Rabat-Paris à Macron qui semble en faire une affaire personnelle pour gagner la bienveillance d’une Algérie qui se trouve dans une situation sociale et économique fort déplaisante ; ce n’est pas du tout là une critique à l’égard d’Alger, mais une constatation qui s’appuie sur les rapports et chiffres d’organismes internationaux et de bureaux internationaux de notation.
Pour ce qui est de la question de la marocanité du Sahara, cela n’est plus sujet à discussion, surtout que la crédibilité de Rabat à l’international est remarquable et dépasse son poids économique. C’est pour cela qu’il est de l’intérêt de l’Elysée de ne plus garder le silence sur cette question.
La vision Royale a réussi à gagner la confiance de la plupart des pays où le Maroc est devenu le gardien de l’Afrique, qu’on l’accepte ou non car le dernier mot lui revient. La plupart des décideurs africains l’ont élu et ne trouveront aucunement un Etat mieux placé que l’un des leurs pour les soutenir : un maillon fort dans la grande Maison africaine.

Un Maroc ferme devant une France hésitante
Paris est dans la tourmente. Personne ne dirait le contraire. Tant au niveau interne que sur le plan international, le retour à ses meilleurs jours ne semble pas près d’arriver. C’est pour cela que Rabat devrait soutenir son partenaire historique (France) – et combien même privilégié – dans ses différents malaises.
L’Elysée devrait tirer profit de l’évolution du Maroc moderne, sous la conduite sage et éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste ; surtout que Rabat jouit d’une stabilité politique, économique et sécuritaire comme jamais auparavant dans l’histoire. Il n’y a pas non plus une seule grande puissance à travers le monde qui oserait, aujourd’hui, remettre en cause la pertinence des objectifs des stratégies de Rabat.
Les pratiques diplomatiques, sous la présidence Macron, engendrent de plus en plus de chevauchements et de contradictions et conduisent à des interprétations de tout genre. Pourtant, l’amitié maroco-française repose sur des bases très solides et que les périodes difficiles dans l’histoire ne sont, in fine, que des opportunités de coopération qu’il faut explorer, notamment, dans ce troisième millénaire qui enfante un véritable chamboulement des relations internationales, sous l’égide d’une guerre froide qui oppose deux blocs: le camp américain qui a une belle longueur d’avance et le camp sino-russe qui tâtonne un terrain qui semble accessible de l’extérieur, mais qui est bien dominé, dans sa profondeur, par les USA et ses alliés.
Qui plus est, un changement de paradigme des relations internationales et de la coexistence pacifique entre peuples et nations nécessite une profonde réadaptation. « L’histoire est toujours assez semblable. : un navire en feu avec parfois les voiles hissées qui file sur l’eau ou un navire qui brûle à la surface de l’eau puis disparaît. ». Qui élire ? C’est justement sur cette capacité de choisir que le Président français s’abstient. Certes, nous ne pouvons pas imposer sur le plan international les bonnes relations entre les pays, cela ne se décrète pas, mais cela s’impose par décision politique. Paris a tout à gagner dans son rapprochement avec le Maroc, une puissance régionale qui a énormément gagné en termes d’influence culturelle, cultuelle, commerciale, diplomatique et sécuritaire.
En résumé, le gel des relations maroco-françaises ne profite ni à Rabat, ni à Paris. Ce statu quo sert, essentiellement, les intérêts de pays tiers qui voient dans une Alliance franco- maghrébine un levier de puissance inégalée et un indétrônable concurrent futur en terre africaine.

Par Lahrach Yassir

Docteur en droit/Expert en Intelligence économique Analyste en stratégie internationale/Auteur du concept d’intelligence diplomatique

 

 

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