Cette fixation morbide sur le Maroc, cette persistance dans la rupture et la tension grandissante semblent avoir d’autres objectifs que la simple contestation d’une équation régionale si défavorable soit-elle. Il s’agit pour un régime contesté de créer les conditions d’une union obligatoire autour de son existence.
La sur-réaction du régime algérien sur le maillot de la RS de Berkane interpelle par sa virulence et sa radicalisation. À tel point que la question se pose : que cherche le régime algérien à travers cette stratégie de la surenchère et de l’escalade ?
La seule explication qui consiste à dire que ce régime militarisé veut profiter de ces épreuves sportives pour tenter de faire passer son opposition à la marocanité du Sahara ne semble pas suffisante à convaincre de son actuelle implication dans le sujet. Son positionnement traditionnel était suffisamment connu de tous pour ne pas nécessiter une accélération de la sorte.
Et cette interrogation est d’autant plus pertinente aujourd’hui que les pertes du sport algérien dans ce bras de fer factice avec le Maroc seront lourdes. Sanctions économiques volumineuses sur les institutions sportives algériennes, possible exclusion des clubs et de la sélection algérienne des épreuves africaines… autant de conséquences qui paraissent disproportionnées par rapport aux enjeux de cette bataille diplomatique.
Alors il est donc difficile d’imaginer que les seuls buts de cette montée d’adrénaline contre le Maroc soient motivés par une défense de ce que les Algériens appellent «la souveraineté nationale». Il est vrai que l’obsession anti marocaine a connu une envolée majeure depuis que le président Tebboune est au pouvoir. Mais de là à faire de cette affaire somme toute minime et symbolique une raison de rupture et d’avantage d’isolement du pays, voilà qui interpelle et suscite interrogations et curiosités.
Le facteur «Maroc» a toujours été un élément déterminant dans la politique intérieure algérienne et dans la formation du pouvoir dans ce pays. Depuis des décennies, une tension sourde et parfois ouverte a caractérisé les relations entre les deux pays du Maghreb. Cette tension a souvent été gérée, sous la longue gouvernance d’Abdelaziz Bouteflila, avec une forme de modération et contenue dans des limites supportables. Même la guerre médiatique que se livraient régulièrement les deux pays respectait certaines lignes rouges.
Aujourd’hui, autour de cette histoire de maillot de foot contenant une carte du Royaume, tout est bouleversé. Une fixation morbide sur cette carte, une généralisation de cette aversion algérienne à d’autres épreuves sportives font entrer la relation entre les deux pays dans de nouvelles dimensions dramatiques.
C’est à croire que ce régime algérien a d’autres arrières pensées derrière cette escalade que la simple contestation de la carte. Pour certains observateurs non convaincus par le seul motif contestataire de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, le régime algérien cherche à créer une atmosphère régionale qui lui permet ou de reporter les prochaines élections présidentielles ou d’imposer sans difficultés un second mandat du président Abelamajid Tebboune ou d’imposer dans le cas échéant une alternative docile et acceptable.
Cette fixation morbide sur le Maroc, cette persistance dans la rupture et la tension grandissante semblent avoir d’autres objectifs que la simple contestation d’une équation régionale si défavorable soit-elle. Il s’agit pour un régime contesté de créer les conditions d’une union obligatoire autour de son existence.
Sauf que cette fois Alger jouer avec le feu. Parier avec autant de légèreté l’avenir du sport algérien pour les beaux yeux d’une hypothétique aventure séparatiste risque d’avoir une violent effet boomerang au sein de l’opinion algérienne. Jadis cette affaire du Sahara marocain était un simple dossier au sein de l’institution militaire algérienne. En voulant, parfois involontairement en faire une affaire populaire en Algérie, ce régime court le risque qu’une interpellation généralisée de la part de citoyens algériens qui ne veulent plus que leur avenir, leurs intérêts, leur destin soient pris en otage par une vision dépassée par les événements et à contre courant de l’histoire.
Que se passera-t-il dans la tête d’un citoyen algérien ordinaire quand il constatera que par ce choix irrationnel de défendre une chimère nommée Polisario, il est en train de vivre un isolement et des privations de grande ampleur ? Il n’est pas certain que cette nouvelle réalité dans laquelle le régime algérien plonge à marche forcée ses citoyens soit acceptée par tous et à n’importe quel prix. Un nouveau Hirak qui aura pour ligne directive un focus sur les relations troubles entre les cercles de l’armée algérienne et le Polisario n’est plus à exclure.